Voilà presque trois ans que Memphis est joué presque tous les jours au Shubert Theater, sur la 44ème rue, et la salle ne désemplit pas. Pourquoi ? Parce que le public est un peu comme nous, à French Morning : il ne s’en lasse pas. Après y être allé une première fois – et tombé secrètement amoureux du personnage principal, incarné par la pétillante Montego Glover (soupir) – nous y sommes retournés. Et cela ne nous gênerait pas d’y aller une troisième fois.
Memphis The Musical, signée du duo David Bryan (membre du groupe Bon Jovi) et Joe DiPietro, raconte l’histoire d’amour impossible entre un DJ blanc, Huey Calhoun (actuellement joué par Adam Pascal) et la chanteuse noire Felicia Farrell (Montego Glover) dans le Memphis ségrégué des années 50. Le premier est maladroit, ne sait ni lire ni écrire, mais adore le rock’n’roll. C’est cette passion qui le pousse à se rendre, un soir, dans le club afro-américain, l’« Underground », où se produit la belle et talentueuse Felicia. Amoureux, il lui promet la célébrité. La seule manière de le faire alors : passer à la radio. Rejeté par toutes les stations locales, convaincues que leur public n’aimera pas cette « negro music », Calhoun profite d’une porte de studio laissée ouverte pour s’installer à la console et partager avec Memphis la musique qu’il aime. Surprise : les auditeurs en redemandent, et Calhoun, devenu le DJ le plus populaire de la ville, tient promesse. C’est le début d’une longue aventure qui mènera Huey et Felicia sur les chemins de la gloire, jusqu’au jour où la chanteuse a l’opportunité de poursuivre sa carrière à New York, ce que Huey refuse.
L’histoire est d’autant plus puissante qu’elle est partiellement vraie. Le personnage de Huey Calhoun est inspiré d’un DJ de Memphis Dewey Phillips, qui fut le premier à diffuser de la musique dite « noire » en ville. Mais c’est surtout la multiplicité des lectures de l’histoire de Memphis qui rend ce musical atemporel. On peut en effet y voir pêle-mêle une success story, une histoire d’amour ou un témoignage sur l’opportunisme et le destin. Les personnages sont complexes. Huey est admiré pour sa vision mais critiquable pour son entêtement à rester dans sa ville natale. Derrière son innocence qui déplace des montagnes, on devine un homme qui ne se remet pas en question, qui craint le changement. Pour sa part, la success story de Felicia est admirable, mais le spectateur ne peut s’empêcher de regretter qu’elle sacrifie son amour pour Huey pour sa carrière. Elle décide in fine de fuir la ségrégation plutôt que de la combattre, comme Huey le voulait.
Le show, qui a remporté en 2010 quatre Tony Awards dont celui de la meilleure comédie musicale, ne serait pas complet sans les décors époustouflants qui descendent du plafond et les danseurs qui surgissent des entrailles de la scène, et les costumes colorés qui respirent bon le sud et les années 50. Sans oublier, les superbes chansons – en particulier Someday, la composition qui fera connaître Felicia Farrell du grand public. Memphis, un show à voir et à revoir.