Alors que les coureurs du 50ème marathon de New York se remettent tout juste de leur effort du 7 novembre dernier, la Française Marie Leautey – surnommée Lootie – s’est lancée dans un défi d’une toute autre ampleur : un tour du monde en courant, qui l’amène à courir un marathon par jour, six jours par semaine. Cette globetrotteuse dans l’âme réalise en ce moment un rêve d’enfant. « J’ai toujours eu envie de parcourir la planète, et j’ai choisi un métier qui me permettait de voyager régulièrement dans tous les pays, raconte-t-elle. Mais j’ai voulu concrétiser ce rêve de tour du monde et j’ai choisi naturellement la course à pied car c’est la meilleure façon de profiter du paysage au maximum et de rencontrer des gens partout. »
Cette ancienne auditrice internationale de 42 ans, qui habitait à Singapour à l’époque, a quitté son poste de CFO et pris deux ans pour préparer ce challenge, à la fois logistique, financier et, bien sûr, physique. « J’ai utilisé tous mes jours de congés pour faire des marathons, tester mon autonomie, ma capacité à être autosuffisante et affronter toutes les conditions météo », explique celle qui court avec une poussette contenant tout son équipement et qui pèse environ 30kg. Le défi est à peine humain : à ce jour, ils ne sont que six à avoir réalisé cet exploit de tour du monde à la course à pied, et Marie Leautey est seulement la deuxième femme à relever le défi. « J’ai lu leurs livres et leurs histoires très différentes, et j’ai pu construire un projet sur-mesure, qui me ressemble ».
Un parcours modifié par la pandémie
Ce challenge est encadré par la World Runners Association (WRA), qui impose une distance minimale de 26 232 km (soit la largeur maximale combinée des sept continents), une course dans une direction continue sur quatre continents minimum, d’océan à océan, et qui doit finir là où elle a commencé. La coureuse a choisi l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. « Les témoignages des autres coureurs – qui étaient certes tous des athlètes – m’ont apporté une validation. Mais malgré toute la préparation, il faut quand même faire le grand saut dans l’inconnu ».
Le grand départ a eu lieu le 6 décembre 2019 au Portugal, et rapidement, l’arrivée de la pandémie a bouleversé toute l’organisation et le parcours de Marie Leautey. Arrivée à Pise en Italie, elle est sommée de reprendre l’avion et doit rester confinée pendant trois mois. Qu’à cela ne tienne, elle s’engage dans une association et collecte et distribue des repas aux plus démunis, ce qui lui permet d’entretenir sa forme physique. « C’était long mais j’étais tellement investie que je n’ai jamais envisagé d’arrêter ». Elle repart ensuite de Pise mais doit contourner et patienter pour enfin franchir la frontière turque, et finir à Istanbul. Résultat : 15 000 km courus au lieu de 7 000 et 18 mois au lieu de sept prévus, mais le premier continent est bouclé. Elle obtient alors une exception au sens continu de la course de la part de la WRA, l’Australie étant encore fermée, et entame sa course américaine en juillet dernier, de Seattle.
Après ces débuts chaotiques, la partie américaine a été une balade de santé pour la coureuse. Elle traverse un Midwest qu’elle n’avait jamais vu dans ses voyages professionnels : Idaho, Montana, North Dakota, Minnesota etc. « J’ai vu des paysages incroyables, des endroits très isolés mais j’ai été si bien accueillie partout. »
Courir pour une bonne cause
Car la coureuse a aussi choisi de défendre une cause pour ce tour du monde. Elle lève des fonds au bénéfice de l’association, Women for Women International, qui vient en aide aux femmes dans des situations vulnérables, d’après-guerre. « Je voulais dédier ce défi aux femmes, montrer à toutes les femmes qu’elles sont capables de tout faire ». Elle s’est aussi inspirée du parcours de sa grand-mère, Yolande Righetti-Leautey, une femme engagée qui a dirigé la première librairie féministe de Paris et fait figure de « rôle model » féministe.
Au moment où French Morning lui a parlé, Marie Leautey venait de quitter Washington DC, où elle avait retrouvé ses parents – « ils ont sauté dans un avion dès l’ouverture des frontières américaines » – et courait en direction de New York, qui va clôturer le continent américain. La Française arrive donc ce mercredi 24 novembre à 12:30pm au consulat français sur la Cinquième Avenue, à Manhattan.
Prochain continent : l’Amérique du Sud, en partant du Chili. Marie Leautey a couru bien plus que ce qu’elle avait prévu au départ : déjà plus de 500 marathons, et elle devrait finir à plus de 30 000 km. Mais peu importe car c’est le voyage initiatique qui compte : « Ce challenge fait appel aux cinq sens et laisse le temps de faire mûrir des idées. Il m’a aussi permis de rencontrer des gens touchés par le projet et le voyage, ce sont des thèmes universels ».