Madame Arthur a attendu longtemps avant de se décider à visiter New York. Cette Parisienne de 78 ans va enfin franchir le pas : le samedi 23 novembre prochain, elle se produira au Poisson Rouge (billets ici), cette institution de Bleecker Street, en plein cœur de Greenwich Village. Après cette première rencontre, elle pense même s’installer sur la durée dans la Grosse Pomme et aux États-Unis. Madame Arthur ? C’est le plus ancien cabaret travesti de Paris. Il habite à la même adresse depuis sa naissance en 1946, dans la mythique rue des Martyrs, entre Pigalle et Montmartre, et réunit une troupe d’une vingtaine d’artistes pas comme les autres.
« Notre spécificité, c’est de pratiquer le cabaret drag à l’ancienne, explique Fabrice Laffon, le directeur du théâtre parisien. On joue au piano et on chante réellement, en live. C’est notre style français, celui qu’on veut proposer aux États-Unis, comme on le faisait dans les années 40. » Fabrice Laffon a repris en 2015 un cabaret qui avait fermé cinq ans plus tôt et y a insufflé son dynamisme et son goût de la fête. Au point d’être devenu désormais un incontournable des nuits parisiennes, la salle se transformant en club après minuit.
« La scène drag a été relancée en France un peu sous notre impulsion, relève Fabrice Laffon. Elle est très vivante aujourd’hui. On l’a vu lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques : un des artistes, Lucky Love, est d’ailleurs passé chez nous ; il s’y appelait la Vénus de mille hommes ». Désormais plébiscité, notamment par un jeune public, Madame Arthur a décidé d’aller voir ailleurs si ses charmes peuvent y fonctionner. « Je suis venu à New York en janvier pour un salon de spectacles et j’ai eu un déclic : c’était ici, et nulle part ailleurs, que j’avais envie de développer le spectacle, explique le directeur. J’ai reconnecté avec la ville. »
Le spectacle au Poisson Rouge constituera un galop d’essai. Madame Arthur viendra avec trois artistes dans ses valises : Grand Soir, le pianiste; Bili L’Arme À L’Oeil, une « chanteuse exceptionnelle »; et Diamanda Callas, « très drôle et très trash ». La troupe interprétera des standards de la chanson revisités à la sauce Madame Arthur. Les paroles pourront y être détournées et l’interprétation de la part des artistes amènera ces tubes connus de tous dans des endroits inexplorés.
« Moi-même, je ne sais pas exactement ce qu’il va y avoir sur la scène, dévoile Fabrice Laffon. On fait un nouveau spectacle par semaine. Notre modele, c’est de créer tout le temps pour construire des publics qui reviennent nous voir. Je leur ai juste demandé de faire deux tiers du spectacle en anglais, parce que j’ai envie de voir ce que cela fait de toucher le public américain avec son répertoire à lui. Je veux voir les réactions en interprétant Madonna, Bruce Springsteen ou Taylor Swift. »
Accompagné par Business France, qui lui a remis un prix lors du Creative Lab, le cabaret parisien entend s’inscrire dans la durée avec les États-Unis. « J’aimerais m’implanter ici, confie Fabrice Laffon. Soit en trouvant des résidences dans des lieux qui m’accueillent régulièrement, soit en faisant des tournées, soit en ouvrant une succursale. Ce sera peut-être en venant avec mes artistes français, ou en constituant une troupe américaine qui aurait l’ADN de Madame Arthur. On vient avec des méthodes pour créer des publics, des métiers et pérenniser les acteurs. »
En poursuivant un objectif ambitieux : « Mon rêve, ce serait d’être la figure de proue d’un mouvement venant redéfinir le drag aux Etats-Unis, avance le directeur du cabaret. En amenant cette spécificité du chant et du piano qui sont pour moi la quintessence de l’émotion qu’on peut transmettre lors d’un spectacle de cabaret travesti. » À 78 ans, Madame Arthur prouve qu’il n’est jamais trop tard pour refaire sa vie.
Madame Arthur au Poisson Rouge, 158 Bleecker St, New York, le Samedi 23 novembre. Site