C’est l’épilogue d’une saga qui aura duré quasiment un an. Mercredi, LVMH et Tiffany ont annoncé s’être mis d’accord sur le prix de leur union : le leader mondial du luxe va racheter la marque iconique américaine pour 15,7 milliards de dollars, soit la plus grosse acquisition de son histoire, après avoir menacé le mois dernier d’abandonner le deal purement et simplement.
Petit retour en arrière : il y a presque un an, LVMH annonçait son intention de reprendre le joaillier américain Tiffany, coté à la Bourse de New York, pour 16,2 milliards de dollars. Le groupe de Bernard Arnault, qui détient déjà les joailliers Bulgari, Chaumet et Fred, comptait reprendre la marque connue pour ses écrins bleu-vert et rendue célèbre par Audrey Hepburn dans “Breakfast at Tiffany’s”, pour la moderniser et bien sûr étendre encore son propre empire aux États-Unis.
Mais la pandémie est passée par là, qui a entraîné une fermeture des magasins de joaillerie dans quasiment tous les pays du monde. Pendant cette période, les achats de bijoux deviennent logiquement moins urgents : les revenus de Tiffany chutent de près de 30 % au deuxième trimestre, mais le groupe compense par l’essor de ses ventes en lignes et bénéficie de sa forte présence en Chine et en Asie, qui repartent bien plus tôt qu’en Occident. Malgré cela, les valorisations boursières du secteur ont largement chuté, et LVMH décide de faire marche arrière pendant l’été. Début septembre, le groupe annonce qu’il renonce à son intention de racheter Tiffany, et qu’il doit le faire à la demande du gouvernement français. Ainsi, le ministre des Affaires Étrangères, Jean-Yves le Drian, aurait envoyé un courrier au groupe en l’invitant à reporter la finalisation de cette opération à l’an prochain. Pour quelles raisons ? Faire pression sur les fameuses taxes douanières que l’administration Trump menace d’imposer sur des produits français, comme les produits cosmétiques ou la maroquinerie, à partir du 1er janvier 2021.
Ingérence du gouvernement français dans une opération privée, ou excuse brandie par LVMH pour sortir du deal ? Toujours est-il que Tiffany n’apprécie pas la pirouette, et lance une procédure judiciaire pour forcer son partenaire à aller au bout de cet accord. De son côté, LVMH accuse sa cible d’avoir pris de mauvaises mesures de gestion pendant cette crise, et estime que c’est un cas de force majeure qui l’autorise à abandonner l’opération.
Les deux parties devaient s’affronter lors d’un procès devant la Cour du Delaware, fixé au 5 janvier 2021. Mais le juge les avait déjà invitées à trouver un compromis : « S’agissant de deux sociétés si bien associées aux fêtes de fin d’année, il y aura peut-être des discussions productives afin d’éviter un procès ». C’est bien ce qui s’est passé : LVMH a obtenu un rabais de 420 millions de dollars et évite un procès incertain outre-Atlantique, tandis que Tiffany intègre le leader mondial du luxe, et va pouvoir bénéficier de sa force de frappe. Car finalement, même pour les plus beaux diamants du monde, tout n’est qu’une question de prix.