Les Etats-Unis sont-ils une étape incontournable pour une marque de luxe française ? « Absolument », répond Elsa Berry, présidente de la chambre de commerce franco-américaine et fondatrice du cabinet de conseil Vendôme Global Partners, sans une once d’hésitation.
A l’occasion du 3e French-American Luxury Exchange, près de 130 participants parmi les géants du luxe français implantés aux Etats-Unis se sont réunis à New York jeudi 7 juin. « Pour les marques européennes et françaises en particulier, le marché américain a toujours été important », précise Elsa Berry, en marge de la conférence qui s’est clôturée par un discours de la top model Naomi Campbell. « Mais aujourd’hui, en plus de sa taille, la conjoncture est bonne et l’évolution même du consommateur fait qu’il y a une plus grande réceptivité », constate-t-elle.
Le luxe aux Etats-Unis se porte en effet comme un charme depuis près de cinq ans déjà. Et cette tendance se confirme. L’an passé, les Etats-Unis ont profité d’une croissance de 2% pour un marché d’une valeur de 84 milliards d’euros, selon le cabinet de conseil Bain & Co., Dans son étude annuelle publiée ce même jeudi 7 juin, le cabinet prédit une hausse du marché de 3 à 5% en Amérique pour cette année, derrière le marché chinois en plein boom.
« Pour nous à Kering, la zone Amérique est l’une des zones en plus forte croissance », témoigne Laurent Claquin, à la tête de Kering Americas, qui possède des marques comme Gucci, Yves Saint Laurent ou encore Boucheron et affiche une progression de 54,3% en Amérique du Nord au premier trimestre 2018.
Miriam Vales, CFO américaine de Baccarat, constate elle aussi que le marché des Etats-Unis représente « un volume important et en progression » au sein de son groupe.
Comment expliquer cette bonne santé des marques de luxe françaises outre-Atlantique ? « Le luxe français est iconique. Tout le monde aspire à posséder un produit qui en est issu, même la génération des “millennials” », constate la responsable financière.
Pour Laurent Claquin, « il y a toujours énormément d’opportunités en termes de nouveaux marchés et de nouveaux canaux de distribution. Il y a d’abord de nouvelles villes : non seulement New York, Miami, L.A., Chicago, Dallas ou Houston, mais il y a des nouveaux marchés comme Nashville par exemple », note le patron US de Kering.
« Et au sein même de ces villes, il y a de nouveaux quartiers, qui représentent plusieurs marchés dans les marchés existants. Pour New York par exemple, il y a non seulement Madison et SoHo, mais aussi Brookfield, Hudson Yards et Brooklyn. Pareil pour Miami, il y a Bal Harbor mais aussi le Design District et Aventura », illustre-t-il.
Un effet Trump ?
Si Laurent Claquin reconnaît qu’il est difficile d’identifier précisément « la part du politique dans cette croissance », il observe toutefois « que le marché boursier est en croissance depuis que Donald Trump est au pouvoir » et cette croissance bénéficie aux marques de luxe. Sans compter le paquet fiscal porté par le 45e président américain, qui favorise les grandes fortunes, premières clientes des produits de luxe.
« Le consommateur américain est en très bonne forme financièrement grâce aux bourses positives, qui fait que l’on a envie d’acheter », confirme Elsa Berry. Mais l’effet Trump n’est pas le seul facteur. Elle souligne par ailleurs que « les Américains commencent à mûrir, à raffiner leurs goûts et à s’intéresser davantage à d’autres types de marques et de produits », malgré un marché « traditionnellement moins en avance que les marchés européens en ce qui concerne les goûts de luxe ».
Malgré une influence indéniable des enseignes françaises, Kathleen Black, sous-directrice du programme Global Luxury and management à l’université d’Etat de Caroline du Nord nuance : « Je ne crois pas que les marques de luxe françaises aient vraiment pris d’assaut le marché américain. Je pense que les consommateurs américains attendent de l’innovation, de nouvelles idées ».
Elsa Berry avertit d’ailleurs : « Arriver trop franco-français est une grosse erreur ». « Les marques de luxe françaises doivent s’ajouter des compétences managériales et marketing américaines. La marque, le savoir-faire, l’artisanat resteront français, mais le packaging autour de ça doit être beaucoup plus américanisé ».