« Réductrice », « malsaine », « drôle » ou « utile ». Demandez à un homme ou une femme ce qu’il ou elle pense de Lulu et vous obtiendrez sans doute des réponses radicalement différentes.
Lulu, c’est la dernière application diabolique dont a accouché le web et qui fait fureur sur les campus. Réservée aux filles, elle leur permet de noter leur “date”, ex ou “crush” à l’aide d’un questionnaire digne de Cosmo. Parmi les questions posées : « Pour lui, est-ce pire de se soulager sur des plantes ou de laisser la lunette des toilettes levée ? » « A un mariage, est-il celui qui vomit partout ou celui qui fantasme sur sa lune de miel ? ». « 0 » pour les goujats et « 10 » pour les princes charmants: la note, résultat d’un redoutable algorithme que Lulu garde secret, est postée ensuite sur le profil du damoiseau sur Lulu pour que ses futures conquêtes en profitent. Pour accroitre la pression, les profils sont assortis de hashtags positifs (#ChristianGrey ; #SelfMadeMan) ou négatifs (#MachineAPets ; #JoueAuxJeuxVideos).
Beaucoup de filles adorent. Et les mecs beaucoup moins, car les pauvres diables n’ont pas accès à leur note sauf s’ils se saisissent de l’Iphone de leur belle ou se créent un compte. « C’est débile. La plupart des filles trouvent aussi ça débile, d’ailleurs, mais ça a pris une telle importance qu’on est bien obligés de le prendre en compte », regrette David, un étudiant en deuxième année d’ingénieur à la Florida State University (FSU) qu’on ne peut pas accuser d’être mauvais joueur car il s’en sort avec un score plus qu’honorable de 8,6 sur 10 et quelques éloges (#DanseCommeMichaelJackson »).
Comme de nombreuses universités américaines, la FSU disposait déjà de deux comptes Twitter consacrés aux ragots anonymes. Un pour les coups de foudre, l’autre pour les confessions. Habitués aux commérages de récré sur Internet, les étudiants de Floride ont plébiscité l’appli lors de son pré-lancement en janvier. Dès les deux premières semaines, 40% des filles l’utilisaient. Ses détracteurs ont lancé, eux, une pétition pour la stopper.
Alexandra Chong, la créatrice de Lulu, espère « changer le comportement de certains mecs » grâce à cette véritable épée de Damoclès virtuelle. Elle veut séduire une étudiante américaine sur quatre d’ici à la fin de l’année. Elle est bien partie pour. Avec plus d’un million d’utilisatrices et 200 000 profils de mecs, ce Yelp pour les hommes fait un tabac (ou des ravages, c’est selon).
Devyn, une vendeuse de 23 ans, passe en revue ses 1533 contacts Facebook. « C’est super utile, s’enthousiasme-t-elle. La majorité de mes amis Facebook sont des gens qui m’ont ajoutée en boîte. Ça donne une meilleure idée de qui dater ou pas. C’est un peu comme si le mec nous était présenté par un ami commun, qui nous résumerait ses qualités et ses défauts, sauf que là on ne connaît pas l’amie en question.» Ce que Devyn aime tout particulièrement, c’est glousser avec ses copines en regardant les profils de ses connaissances.
Si l’absence de droit de réponse des garçons pouvait laisser présager le pire, Lulu et son lot de « hashtags » prédéfinis restent très gentillets. Comme le relevait Katie Heney pour Buzzfeed, ils s’attachent à une vision pour le moins « retro et stéréotypée de ce qui est désirable chez un homme. » L’application permet aussi aux garçons de retirer leur profil du site.
The Daily Meter, journal étudiant de l’Université d’Etat de l’Oregon, reprend une idée répandue dans les confréries : « Les filles ne supporteraient pas une version pour les hommes ». A voir. Les garçons ont aussi leur lot d’applications au goût douteux, comme Playbook, qui leur permet de télécharger des photos de leurs conquêtes avant de les noter. Comme ça, tout le monde est heureux.