La ministre de l’économie – qui avait déclaré il y a deux ans à l’Assemblée Nationale : «Assez pensé maintenant. Retroussons nos manches!» – représente en France l’aile « anglo-saxonne » du gouvernement Sarkozy. C’est Christine l’Américaine, l’ancienne avocate d’affaires de Chicago dont le magazine Forbes a plusieurs fois fait l’éloge.
Mais ce vendredi à l’école de journalisme de Columbia, celle qui passe en France pour une libérale décomplexée, semblait être la chantre de l’intervention étatique et des nationalisations bancaires.
« Si des établissements financiers font faillite, il ne fait aucun doute que l’Etat doit intervenir, » a-t-elle affirmé.
L’interviewer, James Stewart, qui a rappelé que Mme Lagarde avait tenté de convaincre le secrétaire au Trésor Henry Paulson de ne pas lâcher Lehman Brothers cet automne, semblait acquis d’avance à la ministre. Le jour même du débat, la bourse de Paris était certes tombée au plus bas depuis 2003, mais en période de crise, de tels chiffres n’empêchent pas certains commentateurs américains d’admirer la régulation à la française.
Malgré cet intérêt renouvelé pour l’interventionnisme, James Stewart, qui écrit régulièrement pour le magazine New Yorker, a rappelé que les Américains avaient « une phobie » des nationalisations. Ce à quoi Lagarde a rétorqué : « Allez, soyez donc un peu français ! », avant d’expliquer comment une supervision par l’Etat pouvait être bénéfique. La ministre a décrit les nationalisations en France comme un « processus », un « va et vient » entre privatisation et nationalisation. Nationalisation « n’est pas un gros mot», a-t-elle dit à Reuters après le débat.
Ce jour même, le président de la commission bancaire du Sénat Christopher Dodd, avait mentionné une éventuelle nationalisation de Citigroup et Bank of America, entraînant la chute effrénée de l’indice boursier Dow Jones. La panique a été contenue après un démenti du gouvernement et des banques en question, confirmant bien la « phobie » évoquée par Stewart.
Nationalisations mises à part, une discussion à New York avec un membre du gouvernement français n’aurait été complète sans l’inévitable question sur les vacances : «Pensez-vous que les Américains devraient prendre plus de vacances ?», a demandé un spectateur, provoquant l’hilarité générale.
Esquivant une réponse directe, la ministre a fait part d’une initiative de Nicolas Sarkozy, qui a récemment demandé aux économistes Joseph Stiglitz et Amartya Sen de réfléchir à une mesure économique qui, contrairement au PIB, prendrait en compte la «qualité de vie» des habitants.
Ce partenariat avec deux prix Nobel d’Economie plutôt connus pour leurs critiques de la mondialisation libérale semble avoir scellé – pour le public américain de Columbia en tous cas – l’image d’une ministre interventionniste et progressiste, presque à l’opposé de son image d’ «Américaine» en France.