Dans six mois, elle embarquera sur le Pen Duick VI un équipage de 25 personnes dans un tour du monde à la voile, l’Ocean Globe Race, 50 ans après son père Eric, sur le même bateau et le même parcours. Pour s’y préparer, Marie Tabarly est partie sur l’eau avec une partie de ses marins ces dernières semaines, et a notamment traversé l’Atlantique, de Lorient aux côtes américaines. Elle devait accoster à New York, mais un retard dû à une casse puis à un gros temps ont contraint le bateau à faire demi-tour alors que la côte est des États-Unis était presque en vue.
Le bateau a mouillé aux Bermudes mais Marie Tabarly, elle, a bien rejoint la Grosse Pomme pour y expliquer son projet et ses envies à d’éventuels partenaires, notamment devant le New York Yacht Club où elle est intervenue. Elle a aussi rencontré le Consul Général de France à New York, Jérémie Robert, qui s’est réjoui « d’accueillir une Française qui porte haut les couleurs de notre pays ».
Le calendrier étant minutieusement calé jusqu’au départ de la course le 10 septembre, impossible pour le bateau de rejoindre New York cette fois-ci, mais ce n’est que partie remise, promet-elle. « La carotte était belle, confie-t-elle. Affronter le Gulf Stream, toutes ces dépressions, ce gros temps, et arriver sous voile à New York : le programme était magique ! D’autant plus que cette année correspond aussi aux 50 ans de Pen Duick VI et que j’aurais rêvé de l’emmener à Newport aussi, dans le port où il a connu sa plus belle victoire (ndlr : la Transat Anglaise en 1976). Mais ce n’était plus du tout raisonnable de poursuivre. »
Avec Pen Duick VI, c’est tout un pan du patrimoine française que Marie Tabarly continue, à 39 ans, de faire vivre, celui d’un nom mythique de la voile, d’un père disparu en mer alors qu’elle n’avait que 14 ans. « Je n’ai pas fait le choix de naviguer sur ce bateau pour entretenir un héritage mais simplement parce que j’avais envie de le faire, corrige-t-elle. Je suis complètement amoureuse de ce bateau. Je ressens toujours la même émotion quand je le vois. Avec sa grosse tête de Black Shark, je peux passer des heures juste à le regarder. »
Elle use souvent du vocabulaire vivant pour évoquer ce dernier né de la famille des Pen Duick, construit à l’époque en six mois, un temps record. « Mais c’est une personne, ce bateau, sourit-elle. Il a un charisme de fou. Surtout, c’est un bateau exceptionnel. Il est fait pour être au mauvais endroit au mauvais moment. Il est capable d’encaisser ce que peu peuvent encaisser. Ce n’est pas un bateau qui est fait pour faire de la vitesse max mais pour affronter les difficultés. Même dans les creux il ne bronche pas. C’est un char d’assaut une fois lancé. »
L’outil idéal pour affronter ce défi fou de l’Ocean Globe Race (dont les villes de départ et d’arrivée n’ont pas encore été annoncées), qui prévoit un passage des trois grands caps et 8 mois de navigation, avec 3 escales seulement ! « Et tout cela dans les conditions de l’époque, c’est-à-dire sans satellite, sans moyen de communication moderne, sans GPS, sans réception fichier météo actuel, sur les mêmes bateaux, développe Marie Tabarly. On a même dû commander de nouvelles voiles pour correspondre à ce cahier des charges. Plus d’email non plus, plus de WhatsApp, la musique sur cassettes. Je vais demander à mes amis artistes de me faire des compils de sons ! »
Elle dit aussi qu’elle sera « le chef d’orchestre » de son équipage à 45% féminin et composé à 70% d’amateurs qu’elle a dû former, une autre exigence de l’organisation, et que « le poste le plus important, c’est celui de cuisinier ! Si la nourriture n’est pas bonne, le moral s’en ressent immédiatement. » Rien ne semble laissé au hasard. « Parfois, je me demande dans quoi je les emmène, souffle-t-elle tout de même. S’occuper d’un équipage, c’est beaucoup de stress, j’ai constamment peur pour les gars sur le pont. »
Marie Tabarly leur a aussi demandé de travailler le volet environnemental, en collaboration avec l’association The Elemen’Terre Project, autour de… « l’héritage, précise-t-elle. De quel monde nous héritons et quelle planète allons-nous léguer aux générations futures ». L’héritage, encore et toujours.