Demain, le vin de votre caviste new-yorkais ou les produits de beauté des marques de luxe françaises auront peut-être été acheminés par… voilier. De nombreuses initiatives se développent pour décarboner le transport maritime, qui représente aujourd’hui 3% des émissions mondiales. Le secteur est en plein développement, via un foisonnement de solutions technologiques (kites, voiles souples ou rigides, ailes, rotors…), la plupart hybrides pour le moment. La filière française des navires propulsés par le vent pourrait à terme fournir un tiers du marché mondial, selon une étude de Wind Ship, une association créée pour promouvoir ces solutions. Les acteurs de la filière espèrent lancer 10.000 cargos véliques d’ici à 2030, soit 10% de la flotte mondiale. Une trentaine d’acteurs dont dix français avancent sur de nouvelles solutions à voile pour réduire la facture énergétique et les émissions des navires de commerce. Zoom sur plusieurs initiatives qui relient déjà ou relieront bientôt la France et les États-Unis.
L’idée a germé dans la tête de deux Bretons en 2010 : aller chercher du café et du chocolat à l’autre bout du monde en voilier cargo. Il y a quelques années, l’entreprise a poussé un peu loin son projet. Pour éviter de faire le voyage à vide, le voilier emporte à l’aller des vins bio français qui sont distribués sur le marché new-yorkais. En 2018, Grain de Sail s’est même lancé dans la construction de son propre voilier cargo, qui génère une économie carbone supérieure à 95% (avec système autonome de production d’énergie renouvelable), et qui a effectué sa première traversée transatlantique en 2020. Un nouveau bateau, Grain de Sail II, est en projet. Il permettra de tendre vers 100% de transport décarboné. Dès l’an prochain, l’entreprise bretonne entend enrichir son offre en exportant également des huiles d’olives bio sur la côte Est des États-Unis.
Avec leur entreprise Vela, basée à Bayonne, ils comptent lancer une ligne régulière entre la France et New-York à partir de 2025 : le navigateur François Gabart et ses quatre associés se sont lancés dans l’aventure du fret à la voile. Vins, parfums et épices devraient être transportés par la petite entreprise, grâce à un voilier-trimaran de 65 mètres de long et de 25 mètres de large dont la construction doit débuter à la fin de l’année pour une mise à l’eau dans deux ans. « Il nous permettra de transporter 5800 tonnes de marchandises par an, a expliqué Pierre-Arnaud Vallon, le président de l’entreprise. En 2028, on vise un départ tous les 9 jours pour avoir une capacité de transport annuel de 30 millions de tonnes. » L’équivalent d’une cinquantaine de conteneurs pourra être transporté lors de chaque traversée. D’ici 2035, l’entreprise compte lancer la construction de 30 voiliers. « Nous sommes entre l’aviation et le transport maritime, précise Pierre-Arnaud Vallon. On peut être plus rapide que les porte-conteneurs et moins cher que l’aérien. » Il faut 9 jours à un cargo conventionnel pour traverser l’Atlantique. Vela estime être mesure de le réaliser en 8 jours.
Neoline est devenu en quelques années un des acteurs les plus prometteurs du secteur. L’entreprise basée à Nantes a développé des technologies innovantes et extrêmement performantes : propulsé grâce à la force du vent, le bateau affiche des dimensions impressionnantes (136m de long, 3000m² de voile et 11 nœuds de vitesse). De nombreux clients prestigieux ont déjà noué des partenariats avec Neoline. « La collaboration avec Neoline nous permet de franchir une nouvelle étape en termes de transports durables. Chaque année, 4 millions de bouteilles (conteneurisées) seront transportées par cargo voilier vers les USA, le premier marché pour le Cognac Hennessy, a ainsi déclaré Mathieu Testud, le Directeur Supply Chain de Hennessy & Co. Ce mode de transport innovant viendra compléter notre dispositif historique d’expédition par voie maritime et ferroviaire (94% des modes de transport de Jas Hennessy & Co, la route représentant 5% et l’aérien moins de 1%). » Renault, Longchamp ou encore Clarins prévoient également d’utiliser les services de l’entreprise dans les années à venir.
Towt s’est également lancé dans l’aventure des voiliers cargos. Partis du Havre, les produits seront déchargés à New York et Miami. L’entreprise créée à Douarnenez, désormais basée au Havre, a récemment mis à l’eau la coque en acier de son tout premier voilier-cargo de 81 mètres. Le navire devrait naviguer 315 jours par an, dont 95% du temps à la voile, et transporter annuellement 30.000 tonnes de marchandises dès l’an prochain. Une flotte de quatre navires verra le jour d’ici à 2026.
En collaboration avec l’entreprise nantaise Airseas qui a mis au point une aile volante baptisée Seawing, Louis-Dreyfus Armateur entend transporter des pièces de l’A320 d’Airbus (le géant de l’aéronautique possède 11% du capital de l’entreprise) aux États-Unis. L’aile géante de 1 000 m2 en forme de parachute, qui volera à une altitude de 300 m, doit tracter un cargo, pesant jusqu’à 200.000 tonnes, en appui du moteur.