Il a passé autant d’années dans un studio de danse que dans son atelier de peinture. Plus de deux décennies qu’il travaille à maîtriser le geste, le mouvement. Silvère Jarrosson n’a que 30 ans et déjà une belle carrière derrière lui, celle de danseur à l’Opéra de Paris interrompue à 18 ans par une blessure à la hanche à celle de peintre. Un parcours que l’on retrouve dans ses treize toiles réunies à l’exposition « Step In », une première aux États-Unis, jusqu’au jeudi 30 novembre à la galerie pop-up Antoine Chevalier dans Soho.
« À 18 ans, on est plein de rêves, on a la vie devant soi, c’est un âge où il est assez facile de se lancer dans quelque chose, assure Silvère Jarrosson, plein d’enthousiasme, pour expliquer sa capacité à rebondir après son accident. Je ne sais pas si j’aurais réussi à le faire à 30 ans ». La peinture, estime-t-il, est ce qui ce rapprochait le plus de la danse. Cette dernière reste à la genèse de son art, mais aussi les sciences. Diplômé d’un master de biologie, il scrute aujourd’hui sa peinture comme il observait autrefois un organisme vivant sur la lamelle du microscope. La morphogenèse – apparition des formes, au cœur de ses études scientifiques -, émerge dans chacun de ses tableaux, à l’issue d’un long travail physico-chimique sur la matière, l’acrylique et l’huile, et de l’observation de sa réaction : sa rétractation sous la chaleur, ses plissements, sa coagulation… La texture est ensuite retravaillée à la ponceuse, voire décapée à la térébenthine, afin de révéler les formes et les couleurs enfouies sous les couches successives – aboutissant à une surface étonnamment lisse des œuvres.
Cette maîtrise du mouvement hasardeux de départ aboutit à un mélange détonant d’inerte et de vivant, de géologique « très froid, très cassant comme la roche » et d’organique « fluide, léger », une sensation que l’on peut éprouver entre les parois ondulantes de roches ocres de certains parcs de l’Ouest américain (Antilope Park) – pas étonnant quand on connaît la passion de Silvère Jarrosson pour les grandes randonnées.
Le noir est omniprésent, un pigment très résistant qui, dilué, « peut virer soit dans des couleurs chaudes dans les bruns, soit dans les couleurs froides et ça va devenir légèrement bleuté » explique l’artiste. C’est d’ailleurs ce « noir profond et le travail des couleurs, l’énergie qui s’en dégage » qui ont attiré l’œil d’Antoine Chevalier. « Et j’aime l’artiste, l’humain », confie encore l’ancien conseiller artistique, qui entame, avec cette première exposition pop-up, une carrière de galeriste à New York. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble, notamment pour la décoration d’un hôtel parisien en collaboration avec l’architecte d’intérieur Delphine Mauroit.
Car en France, Silvère Jarrosson est loin d’être un inconnu. En 2021, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris lui commande des œuvres monumentales pour la Chapelle Saint-Louis. Dans le même temps, l’artiste a exposé, sous forme de dialogue avec des œuvres d’Olivier Debré, à la Galerie Faidherbe. Le Musée Unterlinden de Colmar lui a consacré une exposition, l’une de ses œuvres monumentales est aujourd’hui exposée dans le foyer de l’Opéra Bastille et le Muséum d’Histoire naturelle de Paris lui va l’inclure dans sa prochaine exposition.
Premier plongeon donc outre-Atlantique pour Silvère Jarrosson, qui n’envisageait pas évoluer artistiquement sans venir aux États-Unis. Une première étape intimidante, avoue-t-il, car « quand on est un petit Frenchy et qu’on ne connait personne, c’est un peu impressionnant ». Antoine Chevalier saura le guider à New York et comme le lui a enseigné ses années de danse, un pas après l’autre.
« Step In » à la galerie Antoine Chevalier, (Instagram et TikTok), 41 Wooster Street. Jusqu’au 30 novembre. Ouvert tous les jours de 12pm à 7pm.
Sont exposées également jusqu’au 30 novembre des œuvres de Valérie Chiche.