Il aura fallu dix ans à Rebecca Rainbow pour monter cette exposition. La directrice de la Menil Collection a réussi à obtenir des pièces provenant de collections européennes encore jamais exposées aux Etats-Unis. “Niki de Saint Phalle dans les années 1960” propose un voyage explicatif du travail prolifique de l’artiste franco-américaine au cours de cette décennie charnière et met en lumière ses collaborations transatlantiques.
Dix années en deux parties : la série de toiles « Tirs » et les très décriées Nanas, sculptures plantureuses aux formes féminines. « Niki de Saint Phalle fait partie de ces femmes artistes révolutionnaires, comme l’étaient Virginia Jaramillo, Mona Hatoum ou encore Lee Bontecou. Elle a rendu visible la femme dans l’art. Sa série des Nanas dépeint les femmes sous tous les aspects. Toutes les expressions physiques montrent cette libération de la société féminine », explique Rebecca Rainbow.
L’artiste explore dans l’art de l’après-guerre et s’affirme au travers d’expériences inédites. “Tirs”, peintures réalisées à la carabine 22 long rifle pour « faire saigner le tableau », symbolisent à la fois la liberté américaine et, par une construction de ses œuvres passant par la destruction, la violence enracinée dans la culture américaine. Elles attestent aussi des droits de la femme dans cet univers traditionaliste de la peinture moderne.
La série des Nanas, sculptures difformes aux couleurs vives et aux multiples poses et courbes, évoquent les différentes aspects et visages féminins. « Les femmes, toujours les femmes, leurs formes, leurs corps, tout est recherche chez l’artiste qui combat, via ses Nanas, un monde artistique dominé par les hommes des deux côtés de l’Atlantique. A cette époque, Niki de Saint Phalle fait partie du mouvement des Réalistes et elle innove en collaborant avec Jasper Johns », explique Michelle White, conservatrice principale à la Menil Collection.
Sans aucun doute, Niki de Saint Phalle a ouvert la voie pour les décennies suivantes en posant son regard sur la mobilité des femmes. Les assemblages figuratifs de l’artiste explorent la place à laquelle elles allaient prétendre, au-delà des années 1970. Pour Jill Dawsey, conservatrice du Musée d’Art Contemporain de San Diego, ville où Niki de Saint Phalle a passé les dix dernières années de sa vie, c’était une précurseuse trop méconnue des Américains. Les Texans auront jusqu’au dimanche 23 janvier 2022 pour la découvrir avant le départ de l’exposition pour San Diego, en Californie.