Vous les avez peut-être fréquentées, dans les années 80, ces salles de flippers où vous dépensiez tout votre argent de poche dans des machines bruyantes et colorées avec, pour objectif, faire claquer une partie gratuite, décrocher une extra ball ou, récompense ultime, laisser vos initiales associées au high score.
Les flippers ont suivi l’évolution de la société des loisirs pendant des années : cow-boys, pinups, films célèbres, sports divers, groupes de rock, missions dans l’espace, lutte contre des aliens… Chaque décennie a apporté son lot d’inventions technologiques comme le multiball, les voix de synthèse ou les scores digitaux.
Mais les flippers ont un énorme défaut : ils coûtent horriblement cher. À l’achat, mais surtout, à l’entretien. Ils consomment énormément d’électricité et tombent tout le temps en panne. On parle de mécanique, de fusibles, d’ampoules et d’élastiques… de belles voitures de course, en somme, dont il faut s’occuper.
D’autant que, et c’est là tout le plaisir du joueur, il est autorisé et même conseillé de les secouer un peu, ces grosses machines, pour éviter les « coulantes », aider la balle à rebondir, briser les trajectoires. Car, à la différence d’un jeu vidéo, l’aléatoire et l’imprévisible sont au rendez-vous de chaque partie. D’où, parfois, la brûlante frustration des parties expédiées en quelques minutes, les trois balles perdues à peine lancées.
À partir des années 2000, les salles de flippers ont fermé les unes après les autres pour disparaître tout à fait. À New York, le Musée du flipper n’a pas rouvert ses portes après la pandémie. Avait-on sonné la fin de la partie ? Non ! Welcome to New York, la ville de tous les possibles.
Nous avons visité sept salles où faire des flippers à Manhattan et Brooklyn et les avons toutes testées avec beaucoup de plaisir, mais aussi de subjectivité. Si vous vous y rendez à votre tour, attendez-vous à lire sur les panneaux de nombreuses machines, les initiales FMO – pour French Morning – parmi les meilleurs scores…
On compte trois salles Barcade à New York, dont une à Brooklyn, l’originale ouverte en 2004, et deux autres à Manhattan. Même s’il s’agit de franchises, elles ont chacune leur spécificité.
Pour y entrer, vous devrez d’abord prouver que vous avez plus de 21 ans. Munissez-vous donc d’une pièce d’identité (l’IDNYC n’est pas acceptée), sésame indispensable, pas de négociation possible. Ensuite, vous pénétrerez dans une grande salle longue ou carrée, à la population mixte, avec bar à bières (comptez environ 9$) ou soda (2$). Mais vous n’êtes pas obligé de consommer. Échangez ensuite vos billets de 1, 5, 10 ou 20 dollars contre des jetons à utiliser dans les machines (vous pouvez également retirer de l’argent sur place). Une partie de flipper coûte trois jetons, soit 0,75$. Un jeu vidéo comme PacMan, seulement un jeton, mais on n’est pas là pour ça. Un bon joueur peut donc y passer une bonne heure pour le prix d’un latte ailleurs. Qui dit mieux ?
À Brooklyn, le contrôle de l’identité se fait au bar où l’on vous donne un petit verre pour y mettre vos jetons. La dizaine de flippers sont en bon état, récents, avec même, et c’est plutôt rare, une machine des années 90, pour les nostalgiques. À Manhattan, préférez la salle de St Mark’ Place à celle de Chelsea qui compte moins de flippers et pas toujours en bon état – le jour de notre venue en tout cas.
Pour conclure, Barcade est parfait pour le joueur solitaire qui passera des heures sur la dizaine de flippers, comme pour la bande de copains, ou de copines, un peu geek. Une partie de Donkey Kong ou de PacMan viendra même créer une petite respiration entre deux extra balls.
Barcade à Chelsea, 148 West 24th St; toujours à ManhattanSt. Mark’s Place, 6 St. Mark’s Place; à Brooklyn, 388 Union Ave.
Avec ses quatorze flippers parfaitement entretenus, Jackbar pourrait bien être le paradis des amateurs de pinballs. Chaque partie vous coûtera un dollar en billet à introduire directement dans la machine. Pensez donc à venir avec du cash, même si le bar vous fera la monnaie. Les bières sont à 9$ et il nous a semblé indispensable de consommer. La bande son est plutôt rock, voire hard rock, le volume des flippers poussé à fond, le personnel derrière le bar vraiment sympa. L’après-midi, les joueurs sont plutôt des hipsters dans les règles de l’art – avec bonnet s’il vous plaît – et le soir, des bandes de copains.
Si vous habitez Brooklyn, Jackbar est probablement le meilleur spot pour une expérience 100% flippers, sans aucun jeu vidéo, dans un fracas étourdissant de musique et de sons synthétiques.
Jackbar, 143 Havemeyer St, Brooklyn. Ouvre à 1pm.
Le principe est celui d’un speakeasy. De l’extérieur, rien ne laisse imaginer que vous puissiez trouver ici autre chose que des machines à laver. Mais poussez la porte du fond et vous découvrirez le bar et ses quatre flippers. Comme ailleurs, la bière est à 9$, mais personne ne vous demandera de justifier votre identité. Il semblerait que vous puissiez venir avec vos enfants, des réhausseurs sont disposés sous chaque machine. Le jour de notre venue, l’ambiance était plutôt morose en cette fin d’après-midi et, détail de puriste, les flippers difficiles à bouger, comme fixés au sol.
Une expérience mitigée, donc, mais parfaite si vous avez une machine à faire, ou pour initier votre enfant à la passion du flipper – ou bien si vous pratiquez le pinball en secret et que vous cherchez une adresse cachée.
Sunshine Laundromat, 860 Manhattan Ave, Brooklyn. Ouvre à 5pm.
C’est davantage un bar qu’une salle de flippers, mais l’expérience en vaut la peine si vous êtes un hipster pur jus, ou que vous cherchez à en côtoyer. À la disposition des consommateurs, trois flippers plutôt sympas et peu sensibles au « tilt » – la machine s’éteint lorsque vous la bougez trop. Vous pourrez les bouger en tous sens.
Le soir de notre venue, la personne derrière le bar s’est montrée particulièrement antipathique. On se serait presque cru en France. Mais cela fait partie de l’expérience pour qui cherche du local, du brut, une bande son vraiment sympa et des toilettes couvertes de tags comme dans l’East Village des années 70. Bref, on n’est pas là pour boire des latte.
Une expérience à réserver, donc, à ceux qui ne veulent pas écouter Taylor Swift, qui n’en peuvent plus du jovial « What can I do for you ? » et chercheraient à côtoyer des hipsters en vrai.
Midway, 272 Grand St, Brooklyn. Ouvre à 5pm
Rarement, l’expression « autre salle, autre ambiance » n’aura été aussi bien employée pour comparer The bumper factory avec les autres adresses. On pourrait ici aussi parler d’un speak easy puisque la salle est cachée dans une école… d’arts martiaux. De l’extérieur, une discrète affiche signale la vocation secrète de l’établissement.
Le règlement se fait à la demi-heure, à l’heure ou même à la journée. Carte de crédit acceptée, mais pas d’Apple Pay. Dans ce laps de temps, vous pourrez jouer autant de parties que vous voudrez. La dizaine de flippers se trouve en sous-sol, sans fenêtre ni décoration. Aucune distraction. Le lieu est si peu convivial qu’il s’adresse au fan véritable, celui qui ne vient pas pour le décor, mais pour le jeu. Et ça marche. En deux ou trois parties, vous ferez corps avec la machine, plus rien n’existera d’autre autour de vous, comme au bon vieux temps.
Le mode « forfait » est idéal pour tester un nouveau flipper avant d’inscrire votre score parmi les meilleurs. Il est également très rentable pour initier votre enfant qui pourra perdre autant de balles qu’il veut sans avoir à remettre de l’argent dans la machine. Il manquera peut-être au puriste la joie de la « partie gratuite » obtenue grâce à son jeu exceptionnel – en mode forfait toutes les parties sont gratuites.
The Bumper Factory, 103 W 73rd St. Ouvre les samedi et dimanche uniquement, à partir de 2pm.