Enfin, la nouvelle tant attendue par les importateurs de vins français est tombée. Il y a quelques jours, l’administration Biden et la Commission européenne ont convenu d’une trêve de quatre mois sur les tarifs imposés sur une liste d’importations de produits européens, en particulier les vins français. Les deux partenaires vont reprendre les négociations de façon à trouver un accord pérenne, à l’issue de cette période de quatre mois. Pour rappel, Bruxelles et Washington sont en litiges depuis plusieurs années sur les subventions accordées à leurs constructeurs aéronautiques respectifs, Airbus et Boeing. Et les vins français sont devenus les victimes collatérales de ces différends : en octobre 2019, Donald Trump avait annoncé une taxe de 25 % sur la valeur des importations de certains produits européens symboliques, comme le vin ou le fromage français. Et en janvier dernier, juste avant de quitter la Maison Blanche, il a asséné un dernier coup de massue, en annulant toutes les exceptions à ces tarifs, par exemple sur les importations de plus grands volumes ou les vins de plus de 14°.
Ces tarifs sont arrivés au plus mauvais moment pour les importateurs de vins français, qui ont subi de plein fouet l’impact de la crise Covid. « En général, en période de crise, il y a un transvasement des ventes : la baisse des ventes dans les restaurants se compense par plus de ventes en magasin. Cette fois, cela a été une double peine », explique Patrick Baugier, président de l’importateur Metrowine. Les chiffres ne trompent pas : le marché de l’importation de vins et spiritueux français a baissé de 13,9 % à 12,1 milliards d’euros en 2020, soit un retour au niveau de 2016. Et dans un marché très concurrentiel, les experts sont sceptiques sur la capacité des acteurs français à rattraper ce retard. « Les vins français ont perdu beaucoup de terrain par rapport aux vins locaux et étrangers. Le marché américain a une capacité de rebond rapide, mais il sera difficile de récupérer ces parts de marché », selon Patrick Baugier.
Même constat de la part de Gérard Bertrand : « Les États-Unis sont le premier marché au monde et nous sommes la première marque française aux USA. Il était impossible de répercuter la hausse de 25% sur les tarifs. On vient de passer 18 mois dans le dur ». Il se dit « soulagé et prudent » après ces dernières annonces.
Les tarifs étaient d’autant plus douloureux aux États-Unis que le marché fonctionne sur le système dit des trois niveaux (three tiers), un héritage de la Prohibition où la vente de vin passe par trois intermédiaires (importateur, distributeur et détaillant), ce qui impacte les prix et les profits. « La pression des tarifs s’est ajoutée à un marché où les marges sont déjà faibles. Nous allons pouvoir réinvestir, entrer dans de nouveaux États », explique Albert Dahan, fondateur et CEO de Maison Marcel, désormais présent dans une vingtaine d’États.
Enfin, la bonne surprise arrive à un moment clé, celui de l’arrivée du printemps, et bientôt des verres en terrasse. « Le marché commence à rouvrir, c’est une très bonne nouvelle pour l’arrivée du rosé », se réjouit Scott Glauber, cofondateur de Pairme Wines, une marque qui associe des vins à des types de repas. Il faudra néanmoins que la logistique suive de la part du Havre, qui avait réduit sa capacité de containers. Aujourd’hui, il faut compter 30 à 40 jours entre une commande et son acheminement par l’Atlantique.