Alors que les analystes financiers prévoyaient la sortie du tunnel pour le secteur pétrolier, la pandémie du virus Covid 19 l’a heurté de plein fouet, menaçant de faillites la plupart des parapétroliers. Plusieurs groupes et sociétés françaises sont en première ligne.
A peine remise de la crise pétrolière de 2014, ces entreprises inconnues du grand public mais centrales pour l’industrie, devront faire face à une crise profonde. Avec la chute vertigineuse du prix du baril qui se situe actuellement en-dessous des 15 dollars, les grands groupes comme Total ont annoncé la forte réduction de leurs investissements, notamment pour les nouveaux projets jugés trop chers. Les entreprises qui fournissent des services et des équipements divers- études sismiques, bateau, construction de plateformes, forages- sont dépendantes de ces géants pétroliers et gaziers. A plus court terme, ces entreprises « sont déjà impactées par les perturbations des circuits d’approvisionnement. On constate une rupture dans certains domaines précis de la chaîne de fabrication, avec des produits qui étaient confectionnés en Chine, en Corée et en Italie » renchérit Jean Cahuzac, président d’Evolen, l’organisation professionnelle du secteur en France.
A plus long terme, la question est de savoir combien de temps ces entreprises pourront tenir. Au Texas, foyer mondial de l’industrie pétrolière, les effets se font déjà sentir. Technip FMC, l’ex-fleuron français des plates-formes pétrolières, a annoncé une série d’économies comprenant une diminution de 30% de ses investissements, à 300 millions de dollars. Le pôle « Surface Technologies», en première ligne en raison de sa forte présence aux États-Unis les réduira de 100 millions de dollars. Pas de chance non plus pour CGG (Compagnie Générale de Géophysique), spécialisée dans l’exploration du sous-sol, dont les efforts de restructuration commençaient à porter leurs fruits, se voit de nouveau frappée de plein fouet par cette crise du coronavirus et ses conséquences incertaines qui jettent un voile supplémentaire sur la poursuite de l’activité. « Nous restons vigilants sur l’évolution de la situation sur nos activités et sur une révision possible par nos clients des plans E&P, exploration et production, compte-tenu de la volatilité du prix du pétrole », indique un porte-parole.
Le colosse texan Schlumberger, dirigé par le français Olivier Le Peuch prévoit pour sa part de réduire jusqu’à 30% de son budget, à 1,2 milliards de dollars pour l’année. «La destruction de la demande de pétrole entraîne un déséquilibre offre-demande sans précédent de l’ordre de 20 à 30 millions de barils par jour. Cela se traduit par des incertitudes à court terme dans les prévisions d’activité et de budget », a déclaré Olivier Le Peuch soulignant que Schlumberger s’attend à ce que les sociétés d’exploration et de production diminuent leurs dépenses en capital d’environ 20% dans le monde cette année. L’Amérique du Nord devrait être la plus touchée avec une baisse de 45%. D’autres mesures ont été prises, notamment la baisse des salaires de 20% pour les cadres et dirigeants à partir du 1er avril. La société accélère aussi la restructuration de ses activités terrestre en Amérique du Nord avec la fermeture de certaines installations si nécessaire, la mise en disponibilité du personnel et de nombreux licenciement aux États-Unis sur plusieurs sites.
Pour le fabricant français de tuyaux de gisement de pétrole Vallourec, l’effet est dévastateur, mettant le groupe en péril. En réponse à la chute vertigineuse et brutale de son activité en Amérique du Nord, le groupe a été contraint de licencier plus de 900 personnes, répartis sur différents sites, représentant un tiers des effectifs de l’entreprise dans cette région du monde. Quatre installations à Houston sont ainsi concernées en plus de son siège social américain. Pour le nouveau président du directoire, Édouard Guinotte, qui a pris ses fonctions le 15 mars dernier, il est impossible de calculer l’impact sur l’ensemble de l’année 2020. Aussi l’homme fort du groupe a annoncé un nouveau plan d’économies de 200 millions d’euros supplémentaires sur les années 2021 et 2022 qui s’ajoutent aux 200 millions en cours sur l’année 2019-2020. Vallourec ne versera pas de dividende au titre de cet exercice et a différé son projet d’augmentation de capital de 800 millions d’euros pour soulager son endettement abyssal. «Vallourec est un funambule qui se déplace sur une corde raide. Et la corde est en train de céder », résume un boursier spécialiste du pétrole chez EdwardJones. Pour lui, ces entreprises et leur secteur d’activité vont subir une refonte drastique et changer de manière irréversible le paysage pétrolier texan.