Les écoles et programmes bilingues aux Etats-Unis se souviendront longtemps de cette année scolaire. Après avoir été contraints de se lancer dans l’enseignement en ligne, voilà qu’ils doivent composer avec un nouveau casse-tête: la perspective de devoir préparer la rentrée sans nouveaux enseignants venant de France.
En effet, par sa proclamation du 22 juin, Donald Trump a suspendu jusqu’à la fin de l’année la délivrance de nouveaux visas J-1, parmi d’autres visas de travail. Un geste qui doit permettre, en pleine crise économique (et campagne électorale), de favoriser l’emploi des Américains. Problème: les établissements bilingues, qui peinent depuis des années à recruter localement des enseignants certifiés, ont recours aux J-1 pour faire venir des enseignants issus de l’Hexagone.
Selon l’ambassade de France aux Etats-Unis, quelque 200 enseignant.e.s seraient concerné.e.s par ces visas J-1, aussi bien dans les écoles privées homologuées que dans les programmes publics bilingues à travers le pays. “Nous nous battons sur cette question depuis l’annonce de la semaine dernière, a expliqué l’ambassadeur Philippe Etienne lors d’une conférence de presse jeudi. Il y a des contacts pris à tous les niveaux possibles”. Mais pour l’heure, l’administration américaine campe sur ses positions et ne semble pas sensible aux préoccupations des écoles.
Pour leur part, les établissements scolaires français tâtonnent. Certains sont dans l’attente, d’autres composent avec les enseignants en J-1 déjà sur place en leur proposant de prolonger leur séjour ou en réorganisant la répartition des élèves quand il n’est pas possible de trouver des remplaçants. Rochambeau French International School, l’école française de la région de Washington DC, indique qu'”à l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de faire une déclaration particulière concernant les modifications apportées par le gouvernement américain aux programmes de visas”. L’établissement scolaire espère “que tous les demandeurs de visas pourront être considérés équitablement et rapidement”.
En Californie, plusieurs écoles contactées n’ont pas répondu à notre demande de commentaire. Seule l’École Bilingue de Berkeley (Californie) indique qu’elle ne devrait pas être affectée par la décision de Donald Trump. “Pour septembre, notre équipe dirigeante s’était orientée vers un recrutement d’enseignants déjà présents sur le sol américain, des titulaires de carte verte ou des citoyens américains”, confie Cécile Gregoriades, la directrice de la communication.
Inquiétude en Louisiane
La situation est particulièrement préoccupante en Louisiane, un Etat où sont implantés une quarantaine d’écoles et programmes d’immersion français-anglais. Le CODOFIL (Conseil pour le Développement du Français en Louisiane), l’agence de l’Etat chargée de promouvoir l’enseignement du français, devait répartir 40 enseignants français en J-1 (sur 73 enseignants étrangers) entre vingt-huit écoles dès cet été. Depuis la proclamation présidentielle, “on fait ce qu’on peut, avoue Peggy Feehan, la directrice de l’agence. Cela va d’un seul enseignant manquant à 17 selon l’école“. Si ces enseignants restent bloqués en France, les écoles vont devoir utiliser des suppléants, partager les classes entre les enseignants qui restent ou recourir à des “francophones non certifiés ou des Américains qui ne parlent pas français“, poursuit-elle. “Cela risque de créer un retard d’un an dans l’apprentissage de la langue. 2 200 élèves scolarisés dans le public, en majorité défavorisés, sont concernés. Le fait qu’ils ne reçoivent pas l’éducation dont ils ont besoin me dérange“.
Le CODOFIL ne reste pas les bras ballants. L’agence multiplie les contacts avec les législateurs et l’exécutif de l’Etat. Une pétition pour “sauver l’immersion française” circule aussi. Un lobbying qui laisse Peggy Feehan optimiste. “La porte est un tout petit peu entrouverte. On refuse de baisser les bras“.
Avec Nastasia Peteuil et Sandra Cazenave