Fin de la projection. Les lumières se rallument. La salle remplie du Walter Reade Theater applaudit Laurent Herbiet qui entre sur scène. Le réalisateur se prête à une série de questions-réponses sur son film. « Je ne suis pas surpris de l’accueil favorable qui est réservé au film car il aborde un sujet peu utilisé dans le cinéma français » explique t-il. « Mon Colonel », sorti en novembre 2006, dans les salles françaises, traite avec réalisme de la torture organisée par la France durant la guerre d’Algérie. Fondé sur le roman éponyme de Francis Zamponi, « Mon Colonel » prend la forme d’une enquête militaro-policière qui fait des va-et-vient entre le présent (images en couleur) et la guerre d’Algérie (images en noirs et blanc).
Le fruit de son expérience
Sans verser dans le manichéisme, Laurent Herbiet, dresse un portrait accablant des responsables politiques et militaires français de l’époque. « Le but était de montrer que la torture n’était pas le fait de quelques moutons noirs mais qu’il s’agissait bel et bien d’un acte
institutionnalisé par l’Etat français ». Le nom de François Mitterrand, Garde des Sceaux à l’époque, est d’ailleurs cité à plusieurs reprises. «C’est un exemple de ces nombreux hommes politiques complices des atrocités» assure le réalisateur. Pour son premier long métrage, Laurent Herbiet aborde un thème qui lui est proche. « Mon père a été appelé en Algérie après son service militaire. Il est resté six mois. Le problème c’est qu’on ne m’a rien appris à l’école sur cette guerre, c’est mon père qui m’en a parlée en premier». Ce sont ces hypocrisies que dénonce Laurent Herbiet. « La guerre d’Algérie a été reconnue officiellement comme une guerre en 1999. Mon père n’avait pas de statut d’ancien combattant car on considérait à l’époque qu’il s’agissait d’opérations de maintien de l’ordre ». De façon plus générale, c’est le fait d’occulter cette partie obscure de l’Histoire française que fustige le réalisateur. « Nous en avons honte alors nous n’en parlons pas. Je n’ai pas la prétention d’avoir fait ce film pour le devoir de mémoire. J’ai simplement voulu transmettre cette part de notre Histoire aux générations futures».
“La France n’est pas digne des Droits de l’Homme”
L’analyse de ce passé est loin de faire l’unanimité, comme en témoigne la polémique qu’a provoqué le projet de loi français en février 2005 sur le rôle positif de la présence française Outre-Mer. « Nous étions en tournage à Alger à ce moment » témoigne Laurent Herbiet, « les habitants étaient très en colère et nous aussi » ajoute t-il. Pour le réalisateur, les politiques français se voilent encore la face aujourd’hui. «Lorsque j’entends Nicolas Sarkozy dire qu’il faut être fier de notre passé et en finir avec la repentance, je trouve ça aberrant. La France prône fièrement les valeurs des Droits de l’Homme mais elle n’est pas digne de ce drapeau». Les Etats-Unis en prennent aux aussi pour leur grade. « Les Droits de L’Homme sont encore bafoués par de nombreux pays comme les Etats-Unis. C’est une grande démocratie, ils ont le devoir de donner l exemple mais ne le font pas. Preuve en est avec Guantanamo et la guerre en Irak » estime t-il.
Quant à l’impact de son film au festival Human Right Laurent Herbier relativise: « c’est important que ce genre de festival existe. Le problème est que l’on ne prêche que les convertis ». A eux d’apporter la bonne parole.