Vendre la baguette à 3,50$, le croissant à 4$, soit trois ou quatre fois les prix français, voilà qui fait rêver plus d’un boulanger de l’hexagone… Ils sont de plus en plus nombreux à franchir l’Atlantique pour vivre leur rêve américain, et pas seulement dans les grandes métropoles. D’autres choisissent de petites villes américaines…
L’une des premières motivations de ces commerçants est avant tout de s’installer dans lieux où de vraies boulangeries sont peu présentes, voire inexistantes. C’est le cas de Richard et Eliette Candillier, gendarme et infirmière à la retraite vivant à Pahrump (35 000 habitants) dans le Nevada. Avant d’ouvrir boutique, les deux retraités venaient dans cette bourgade pour les vacances. Très rapidement, ils se sont rendu compte qu’il n’existait pas de boulangerie digne de ce nom sur place et que les habitants avaient plutôt l’habitude d’acheter du pain surgelé ou tout droit sorti des frigos des grandes surfaces. “J’ai décidé de passer un CAP boulanger pendant un an et nous avons monté notre projet avec un visa E-2 en association avec notre fils Julien, qui est pâtissier. Nous sommes arrivés aux États-Unis en septembre 2016. Nous avons ouvert O’Happy Bread, le 10 janvier 2017. Cela a représenté un investissement de 120 000 euros pour le matériel et 80 000 euros pour l’aménagement”, se souvient Richard Candillier.
Boulanger en France pendant vingt ans, Joël Garcia, lui, rêvait de venir vivre aux États-Unis pour démarrer une nouvelle aventure avec comme moteur, sa passion pour le pain traditionnel. Cet ancien artisan de la région de Béziers a mûri son projet pendant un an et demi, avant d’ouvrir Rendez-Vous French Bakery à Sarasota (58 000 habitants), en Floride. “Nous avions fait deux séjours dans cet État, avant de nous décider. J’ai cherché des boulangeries à vendre et le hasard nous a conduits à Sarasota. Nous ne voulions pas nous installer à Miami, car nous préférions une ville à taille humaine”, explique-t-il, en précisant qu’à l’époque, Sarasota ne comptait qu’une seule boulangerie.
Convertir les clients américains
Avant de pouvoir s’assurer une clientèle fidèle, les deux artisans ont fait beaucoup pour attirer et séduire les consommateurs américains -et change rleurs habitudes. Pour Richard Candillier, il a notamment fallu faire passer l’addition. “Les clients locaux ont d’abord été surpris par les prix, mais après avoir goûté nos produits, ils ont vite été convaincus de la différence”, assure-t-il. La difficulté était aussi de les faire venir tous les jours, mais il affirme que l’argument de fournée quotidienne a fait mouche. “Acheter sa baguette fraîche chaque matin n’est pas dans la philosophie des Américains, mais les mentalités évoluent”, confirme Joël Garcia.
Toutefois, la vente de pain ne suffit pas pour pérenniser l’activité. Que ce soit Richard Candillier ou Joël Garcia, les deux entrepreneurs ont dû élargir leur palette. “Nous réalisons des spécialités comme les cannelés, les tuiles aux amandes et aussi des gâteaux français, mais également américains, comme le cheesecake”, explique Richard Candillier. Ils ont même développé encore leurs cartes en proposant des sandwichs, comme le traditionnel jambon-beurre pour Joël Garcia, des omelettes, des soupes, des breakfasts et des lunchs.
La croissance passe aussi par une présence sur les marchés locaux. “Nous participons aux farmers markets quatre jours par semaine. Là, nous touchons des clients américains qui cherchent des produits traditionnels, comme des pains spéciaux aux olives ou aux céréales”, assure Joël Garcia. Également présent sur des marchés locaux, Richard Candillier souligne l’importance des réseaux sociaux comme Facebook pour augmenter la notoriété et attirer plus de clients.
Les ingrédients comme arguments
Les artisans français mettent surtout en avant la qualité des ingrédients pour se faire une place comme l’explique Mathieu Choux, le propriétaire de Gaston’s Bakery à Boise, dans l’Idaho. Si cette ville est plus importante que Pahrump ou Sarasota avec ses 220 000 habitants, elle n’en demeure pas moins une ville moyenne à l’échelle des États-Unis. Ancien restaurateur installé là-bas depuis 2001, Mathieu Choux s’est lancé dans la boulangerie-pâtisserie faute de trouver de bons produits dans la région. Afin d’attirer les Américains, il collabore avec des agriculteurs locaux. “On leur achète du blé, bio ou non, et nous devrions obtenir d’ici peu la certification pour nos farines biologiques”, précise-t-il. Aujourd’hui, il jouit d’un grande notoriété dans l’Idaho, puisqu’il fournit des restaurants et vend ses viennoiseries à travers tout le pays.
De son côté, Joël Garcia a voulu proposer des produits aux saveurs typiques, proches de ce qu’il faisait en France. Cela n’a pas été facile, mais il se félicite d’avoir réussi ce challenge. “Nos farines viennent des États-Unis, mais l’important pour le goût, c’est le beurre. Nous avons réussi à trouver un ancien pâtissier qui nous fournit du beurre français. Et pour nos sandwichs, nous travaillons par exemple avec Madrange”, raconte Joël Garcia. Selon lui, il est évident que c’est une valeur ajoutée, face à une concurrence qui privilégie les produits industriels.