Deux galeries de l’Upper East Side présentent cet automne des toiles du peintre français Francis Picabia. L’occasion de mieux connaître cet artiste de la première moitié du XXe siècle, que son parcours mouvementé et son style éclectique rendent difficile à classifier.
Né en 1879 à Paris dans une famille influente franco-cubaine qui l’a encouragé à peindre, Francis Picabia s’intéresse très tôt à l’art. À la tête d’une belle fortune, c’est un mondain, amateur de femmes, de jeux et de belles voitures. Il collectionnera plus de 150 voitures de course tout au long de sa vie, ainsi qu’une ribambelle d’aventures amoureuses, qui lui vaudront notamment quelques coups de feu d’un mari jaloux.
Francis Picabia se présentera lui-même en 1923 comme « artiste en tous genres ». Il participera à plusieurs courants tout au long de sa carrière d’artiste. Grand fan d’Alfred Sisley, il commence dans le courant impressionniste et pointilliste de 1903 à 1908. L’année suivante, changement de direction radical : il rejoint le mouvement cubiste et se lie d’amitié avec Marcel Duchamp. Avec notamment le couple Robert et Sonia Delaunay, il créera un sous-mouvement du cubisme, au style « kaléidoscopique », que Guillaume Apollinaire nommera l’orphisme.
En 1913, il est le seul de son groupe d’artistes à pouvoir se payer un vol pour New York et participer à la foire de l’Association of American Painters and Sculptors, ancêtre de l’Armory Show. Sa présence à New York lui permet de se faire un nom dans les cercles artistiques américains. Outre Atlantique, il rencontre Man Ray et découvre Kandinsky. Il reviendra plusieurs fois à New York et y passera une grande partie de la Première guerre mondiale.
À son retour à Paris, il quitte le mouvement cubiste et rejoint le jeune mouvement dadaïste. Il fréquente Tristan Tzara, André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, Louis Aragon, et fonde la revue 391 (en hommage à la revue 291 du photographe américain Alfred Stieglitz). Mais son affiliation dadaïste sera de courte durée, et en 1921 il divorce du mouvement et publie une attaque personnelle contre André Breton dans son journal 391.
En 1925 , il entre dans la dernière phase de son évolution artistique, et ce sont les toiles de cette dernière période que l’on peut voir cet automne à New York. Il revient à la peinture figurative, peint des tableaux réalistes, copies de photographies publiées dans des magazines populaires, y compris des photos nues trouvées dans des magazines de charme comme Paris Sex Appeal. La petite histoire veut que nombre de ces peintures, achetées par un marchand d’art algérien, se retrouveront dans des bordels en Afrique du Nord…
Dans la série « Transparences », il crée des images multidimensionnelles énigmatiques, qui superposent des images classiques et de la Renaissance avec des images modernes.
Les galeries Fleiss-Valois et Michael Werner, toutes les deux dans l’Upper East Side, présentent une sélection de toiles de l’artiste de cette période figurative. Les femmes sont à l’honneur, habillées ou non. Chez Fleiss-Valois, le portrait d’une pin-up levant sa jupe est copiée directement d’une photographie de l’époque. Le tableau Résistance, exposé chez Michael Werner, est inspiré d’une photographie de Marlene Dietrich de 1942. Cette utilisation d’images de célébrités a poussé certains commentateurs à voir en Francis Picabia, déjà impressionniste, cubiste, dadaïste et surréaliste, un précurseur du pop art américain des années 1960…. Alors, artiste génial ? Les avis divergent. Mais artiste d’avant-garde, certainement.
Galerie Michael Werner, 4 East 77th street – Jusqu’au 23 novembre
Galerie Fleiss-Valois, 1018 Madison Avenue – Jusqu’au 21 décembre – À noter que la galerie Fleiss Valois expose également une belle collection de toiles de l’artiste français « affichiste » Jacques Villeglé.