L’histoire est méconnue. En 1921, le président américain Warren Harding a remis à Marie Curie un beau cadeau: un gramme de radium. Selon Agnès Hubert, directrice des relations donateurs à l’Institut Curie, l’Américaine Marie Meloney, l’une des femmes journalistes les plus connues à l’époque, avait demandé à la Française lors d’une interview quelques mois plus tôt ce dont elle manquait pour avancer sur ses recherches. La scientifique lui a répondu: un “gramme de radium”, très cher à l’époque.
De retour aux États-Unis, la journaliste a mobilisé un groupe d’Américaines pour lever des fonds afin d’obtenir le précieux sésame. Cent mille dollars (1,2 million de dollars d’aujourd’hui) ont ainsi été récoltés. En mai 1921, Marie Curie traversait l’Atlantique pour remercier les donatrices et recevoir le radium à la Maison-Blanche. “Ce geste a permis de franchir un pas dans ses recherches pour Marie Curie. Il a contribué à donner naissance à la radio-thérapie que l’on connait aujourd’hui. Le radium a été au fondement des découvertes de Marie Curie“, précise Agnès Hubert.
Un siècle plus tard, l’Institut Curie compte s’appuyer sur cette histoire d’amitié franco-américaine pour séduire les philanthropes américains dans le cadre d’une nouvelle initiative: la “Marie Curie Legacy Initiative”. Objectif: lever des fonds pour lancer, en France, un nouveau centre de recherche qui ambitionne d’éradiquer les métastases, responsables de “90% des décès par cancers“, souligne Agnès Hubert.
L’Institut organisera deux événements pour faire connaître l’initiative. À commencer par une conférence virtuelle le jeudi 11 mars avec l’arrière petit-fils de Marie Curie et Elizabeth Blackburn, Prix Nobel 2009 de Physiologie et de médecine, entre autres. Le second sera un gala au Harvard Club de New York le 9 novembre 2021. “Nous voulons remercier les Américains qui ont contribué à ce que nous sommes aujourd’hui et renouer des liens avec la générosité américaine pour ce nouveau projet, qui est notre gramme de radium d’aujourd’hui dans la lutte contre le cancer“, reprend Agnès Hubert.
Le centre de recherche explorera une nouvelle discipline: la chimie-biologie. En utilisant ce champ de recherche qui rassemble biologistes et chimistes, un chercheur de l’Institut Curie a récemment découvert une molécule à base de fer qui “asphyxie” les cellules tumorales, empêchant ainsi leur migration et le développement de cancers. “C’est une vraie révolution dans la lutte contre le cancer“, précise Agnès Hubert. Les fonds récoltés permettront de recruter l’équipe de ce centre unique au monde et d’accélérer la recherche dans ce domaine prometteur.
Selon la responsable, les contacts avec les philanthropes américains n’en sont qu’à leur début, mais sont “encourageants“. “Les philanthropes à nos côtés veulent aussi porter l’histoire de Marie Curie et la place des femmes dans les sciences”, observe-t-elle. Avec le coup de pouce supplémentaire de l’essor de la philanthropie sanitaire sur fond de Covid-19, l’Institut Curie espère faire beaucoup mieux que Marie Meloney en 1921. Son but: récolter 8 millions de dollars pour le nouveau centre. “Avec notre initiative aux États-Unis, nous souhaitons écrire avec la générosité des Américains une dernière page de l’histoire de la cancérologie, en tout cas une grande page“.