L’équipementier ferroviaire Alstom a décroché il y a cinq ans le contrat de modernisation des trains de la ligne reliant Boston à Washington, D.C. La livraison des 28 rames commandées, initialement prévue pour juin dernier, est désormais imminente. « La première rame, en attente des derniers accords avec le client au niveau des inspections, est sur le point de quitter le site », indique Didier Cuadrado, directeur du projet. Leur mise en service est maintenue pour 2022.
Le Français connaît bien la boutique, où il travaille depuis 22 ans. « J’ai commencé en France en 1999, où je faisais déjà partie des équipes en charge du premier train Acela, qui circule actuellement entre Boston et Washington, D.C. » Pour cet appel d’offres, il se souvient que l’entreprise « a fait face à ses concurrents européens habituels : Siemens, Bombardier, CAF et Talgo. Les Chinois n’étaient pas présents, et les Japonais ont rapidement jeté l’éponge. »
En vertu du Buy American Act (législation protectionniste selon laquelle les achats directs du gouvernement fédéral américain concernant les transports publics doivent être produits aux Etats-Unis), la fabrication des nouvelles rames à grande vitesse est majoritairement assurée sur place, dans la petite ville new yorkaise d’Hornell. Alstom a toutefois obtenu des dérogations, qui concernent essentiellement « les chaudrons des voitures passagers, fabriqués dans notre usine en Italie ; et les composants de système de freins, qui ne sont pas disponibles en Amérique du Nord car nous utilisons une technologie européenne », explique Didier Cuadrado. Basé en banlieue de New York, il passe 80% de son temps à Hornell, dans l’ouest de l’Etat. « La ville a joué un rôle central dans la maintenance des locomotives à vapeur jusqu’à la moitié du XXe siècle, et même un peu après », rappelle-t-il. « Son déclin s’est amorcé avec l’expansion de l’automobile et de l’avion. » En 1987, Alstom y rachète une usine. Le groupe y emploie aujourd’hui plus de 800 ouvriers, se plaçant ainsi comme le premier employeur de la municipalité.
L’entreprise française assurera la construction et la maintenance des rames à grande vitesse pour Amtrak. « Sur le modèle des TGV français, chaque rame comportera deux motrices et un certain nombre de voitures passagers – neuf dans le cas du modèle Avelia Liberty, dédié au marché américain », détaille Didier Cuadrado. Onze voitures donc au total, avec la possibilité d’en ajouter trois supplémentaires pour s’adapter au flux de voyageurs. La capacité de ces nouveaux trains est fixée à 386 passagers, soit une augmentation d’environ 25% par rapport aux anciens.
Amtrak envisage d’utiliser l’Avelia Liberty à 160 miles par heure, soit un peu moins de 260 kilomètres par heure. « Nous le testons à près de 280 kilomètres par heure, mais le train a été conçu pour aller jusqu’à 300 », précise Didier Cuadrado, ajoutant qu’« aux Etats-Unis, le voies ne permettent pour l’instant pas d’atteindre cette vitesse là. »
La proposition de l’administration Biden d’investir quelque 620 milliards de dollars dans les transports a été particulièrement bien accueillie par Alstom, qui « espère voir une montée assez rapide des commandes liées au fait que le gouvernement américain essaie de pousser les infrastructures ferroviaires ». Didier Cuadrado rappelle que « les Etats-Unis ont été l’un des pionniers du rail. Certains corridors régionaux ont définitivement de l’avenir : entre Boston et Washington, D.C. par exemple, mais aussi entre Saint-Louis et Chicago, Dallas et Houston, San Francisco et Los Angeles, ou encore Portland, Seattle et Vancouver. »