Alors qu’il s’apprête à entamer son service militaire dans l’armée israélienne, Joseph découvre qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents. Il a été échangé par mégarde à la naissance avec Yacine, enfant de Palestiniens de Cisjordanie. Les deux familles vont devoir surmonter leurs préjugés et leurs convictions (religieuses et politiques) pour s’accepter l’une l’autre.
Version dramatique de “La vie est un long fleuve tranquille: (Étienne Chatiliez, 1987), “Le Fils de l’Autre” utilise les mêmes ressorts scénaristiques : deux familles tentent de s’adapter à un autre milieu que le leur, deux adolescents réalisent un échange d’identité difficile. Mais dans “Le Fils de l’Autre”, il ne s’agit pas seulement d’une question de différence de classes sociales. Le père de Joseph est un général de l’armée israélienne, alors que le frère de Yacine est un anti-sioniste convaincu.
En choisissant un contexte aussi délicat, il était difficile pour la réalisatrice de ne pas sombrer dans les clichés culturels et politiques. Et pourtant, Lorraine Lévy réussit l’exercice avec brio. Au son des belles chansons de l’artiste franco-isrélienne Yael Naïm, la cinéaste tire un portrait sans concessions de Tel-Aviv et de la Cisjordanie. Elle souligne l’ambiguité des positions de chaque camp, et prend du recul sur le conflit israélo-palestinien. Lorraine Lévy montre celui-ci de manière intimiste, tel qu’il est vécu au quotidien par les familles de chaque côté de la frontière. Sans jamais tomber dans le pathos ou le ridicule, la réalisatrice retranscrit intelligemment une fable humaine émouvante.
C’est d’ailleurs parce que le film est plus familial que politique qu’il est remarquable. Les personnages sont bien plus attachants par leurs personnalités que par leur appartenance politico-religieuse. L’excellente performance des acteurs contribue à rendre le propos de la réalisatrice crédible : les jeunes acteurs Jules Sitruk et Mehdi Dehbi se démarquent par leur jeu épuré et mature. Les interprètes de leurs parents, Pascal Elbé, Emmanuelle Devos, Areen Omari et Khalifa Natour, brillent par leur talent. Mais c’est surtout Emmanuelle Devos qui porte tout le film et en fait une oeuvre de grande qualité, simple et touchante.