Sur scène, ils sont huit, quatre musiciens et quatre chanteurs. Ils forment Astéréotypie, un groupe de post-rock français que Laetitia Møller a suivi pendant plusieurs années afin de réaliser le documentaire « L’énergie positive des dieux », présenté à l’Alliance française de Los Angeles le 11 novembre et au Théâtre du Lycée français de San Francisco le 12 novembre. « C’est un film qui montre la collaboration entre des musiciens de la scène expérimentale et des chanteurs et auteurs autistes, résume la réalisatrice. Ce film s’intéresse au processus créatif entre les différents membres du groupe qui, par bien des aspects, se rapproche de l’art brut. »
Même si l’autisme est forcément présent, il n’est pourtant pas l’objet du documentaire. Ce parti pris est très clairement exprimé dans la manière de filmer les membres d’Astéréotypie. « J’ai décidé de les filmer uniquement durant des moments de création, explique Laetitia Møller. En répétition, en écriture, en concert. On ne les voit pas dans leurs familles, par exemple. Sans nier l’autisme, le but est de montrer qu’il n’empêche, en aucun cas, de créer un univers poétique et musical, et c’est d’ailleurs cet aspect de leur histoire que le groupe lui-même met en avant. »
Le groupe Astéréotypie est né au sein d’une structure médico-éducative qui accueille ces jeunes autistes : un des éducateurs, Christophe L’Huillier, est musicien et lance l’idée de faire collaborer des professionnels, dont deux issus du groupe Moriarty, avec ces jeunes. Laetitia Møller les rencontre de manière fortuite, en 2015, lors d’un festival de musique expérimentale à Paris. « J’ai ressenti une émotion très forte en les écoutant, et je n’ai pas perçu tout de suite qu’ils étaient autistes. Ils exprimaient un indicible qui me parlait, et j’ai eu l’impression qu’en parlant d’eux, ils parlaient de nous et de ce qu’on n’arrive pas toujours à exprimer, et ce, en toute liberté. »
Laetitia Møller, journaliste en presse écrite, réalise ici son premier documentaire en format long-métrage, fruit de plus de quatre années de tournage. « C’est un travail de longue haleine qui demande du temps et de l’argent. La rencontre avec le groupe est arrivée au moment où mon désir de documentaire était la plus forte. » Si l’éducateur, à l’origine du groupe, et le directeur de la structure médico-éducative ont accepté la proposition de tournage rapidement, restait à convaincre Stanislas, Kevin, Aurélien et Yohann, les quatre jeunes protagonistes. « Ils n’expriment pas leur accord de la même manière. Aurélien par exemple, parle peu. Il s’exprime plus corporellement, et petit à petit, il s’est rapproché de la caméra, a commencé à jouer avec le cadre, et j’ai senti qu’il était partant. Ce qui leur importait surtout, c’était que le documentaire reste fidèle à leur identité. »
Sur le spectre de l’autisme, tous sont en effet différents, et portent chacun en eux un univers qui leur est propre, et que l’on retrouve au cœur de leur processus créatif. « Tout ce qui nourrit leur imaginaire se retrouve dans leurs textes, souligne la réalisatrice. Yohann par exemple, est passionné par les transports et les présentateurs de télévision. Stanislas connaît par cœur tout ce qui se rapporte aux présidents de la République, aux Citroën C5, aux avions et il est fasciné par les Américains… »
Le film, présenté à Paris en septembre dernier lors du Champs-Élysées Film Festival, qui met en valeur le cinéma indépendant français et américain , a été récompensé par les prix de la Critique et du Jury. Au delà de la symbolique de cette reconnaissance du métier et de la presse, Laetitia Møller se réjouit de l’accueil positif du public, gagné par l’émotion qu’elle avait elle-même ressentie lors de la rencontre avec le groupe.
Aujourd’hui, Astéréotypie continue à exister. Après la sortie de leur premier album, « L’énergie positive des dieux », qui donne son nom au documentaire, le groupe s’apprête à présenter un deuxième opus.