Longue robe de dentelle noire, elle semble danser, les yeux fermés. Ses doigts légers virevoltent sur les cordes tandis que le chant du violon, comme sorti de son âme, emporte l’assistance. Ce vendredi 22 septembre, le temps s’est arrêté sous les dorures du Millennium Biltmore Hotel de Los Angeles. C’est ce lieu emblématique des plus grands succès d’Hollywood, au cœur de Downtown LA, que la violoniste et compositrice québécoise Nathalie Bonin a choisi pour présenter son nouvel album néo-classique, « Aspirations » (que l’on peut découvrir ici). Journalistes, amis et producteurs sont venus l’écouter, en tenue de soirée, un verre à la main.
Les dernières notes s’envolent. Tonnerre d’applaudissements. Entourée de ses deux acolytes, Ayşe Deniz Gökçin au piano et Radhika Vekaria au chant, Nathalie Bonin salue son public. L’émotion se lit sur son visage d’ange. Et pour cause. « Aspirations » résonne comme une renaissance, après les années de doute qui ont suivi son arrivée à LA, en 2018. La Cité des Anges, la Québécoise en rêvait pourtant. Mais dans cette ville immense, à la culpabilité d’avoir laissé sa famille à Montréal, s’ajoute la pandémie, qui la prive de contrats, puis survient ce terrible accident de la route, qui l’empêche de jouer du violon pendant des mois… Avant qu’elle ne retrouve la lumière.
C’est cette traversée intérieure qui a inspiré les huit titres d’« Aspirations ». Un cinquième album de musique de production* très personnel. « Le fait d’avoir failli mourir sur un diviseur autoroutier a été symbolique : cela m’a forcée à prendre une direction, à une époque où j’étais profondément divisée entre le Québec et Los Angeles, relit Nathalie Bonin. Cette nécessité d’avancer vers mon rêve, malgré les sacrifices, fait partie de l’aspect mélancolique de l’album (…) Chaque pièce est basée sur une émotion, sur une histoire que je voulais raconter, un peu comme une peinture à laquelle j’apporte différentes couleurs.»
Grâce au label Audio Network, la compositrice a eu la chance d’enregistrer son album aux mythiques studios Abbey Road, à Londres. En solo au violon, accompagnée de Paul Bateman au piano, d’Auriel Pawsey à la harpe et de 28 des meilleurs instrumentistes à cordes de Londres, comme on peut le voir dans cette jolie vidéo. « C’était un rêve inespéré, se souvient la Québécoise. Par moments, je me suis pincée en me disant que c’était vraiment en train de se passer. Être dans ce temple de la musique, pouvoir contribuer à cette énergie, c’était magique ! »
Sa spontanéité détonne, pour une artiste à l’incroyable carrière multi-récompensée. Née à San Francisco de parents franco-canadiens, Nathalie Bonin commence le violon à l’âge de 4 ans, à Montréal. À 11 ans, ses parents déménagent à New York pour qu’elle développe ses dons auprès des meilleurs professeurs. D’une créativité infinie, elle explore tous les styles musicaux, voyage, multiplie les collaborations et s’illustre pour ses époustouflants shows de violon aériens. Pendant huit ans, elle brille comme premier violon de l’émission La Voix TVA (The Voice) au Québec, aux côtés des plus grandes stars.
Mais le rôle d’interprète la laisse sur sa faim, elle rêve de composer sa propre musique. D’où la décision radicale de partir à Los Angeles, avec une obsession : écrire des mélodies pour le cinéma et le petit écran. « Je voulais me donner une chance de me faire connaître comme je voulais être connue, explique-t-elle. Au début, je me présentais comme une compositrice, sans dire que j’étais violoniste. Mais c’est devenu ma force de revenir à ce côté artiste de scène. Aujourd’hui, j’arrive à présenter ces deux facettes sans être divisée. Tout se met en place » se réjouit-elle.
Sa persévérance est aujourd’hui couronnée par de prestigieuses récompenses, dont un Grammy pour l’album « Women Warriors : The Voices of Change », en 2022. « Quand on est un peu résilient, on arrive à trouver des projets qui nous tiennent vraiment à cœur, même si ce ne sont pas forcément ceux qui nous avaient attirés au départ, témoigne-t-elle. Le cinéma, je crois que ça va arriver, même si ça a été différé.» La violoniste, réconciliée avec elle-même, n’a pas fini de nous faire vibrer.