Avec six co-productions françaises nommées, ce dimanche, aux Academy Awards, le cinéma hexagonal confirme son assise internationale. Et c’est en grande partie grâce à ce système de co-production avec des pays étrangers, dont la France s’est fait une spécialité.
Parmi les élus de la course aux Oscars, « Deux jours, une nuit », des frères Dardenne, une co-production franco-belge, pour laquelle Marion Cotillard est nommée dans la catégorie « meilleure actrice ». Mais aussi « Timbuktu » une oeuvre franco-mauritanienne en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, « Le sel de la terre », un documentaire franco-brésilien de Wim Wenders, et le film d’animation « Le Chant de la mer », une co-production 100% européenne (France/Irlande/Luxembourg/Belgique/Danemark). Enfin pour finir, deux courts-métrages, le film franco-israélien « Aya » produit par Yaël Abecassis et « La lampe au beurre de Yak », une oeuvre franco-chinoise filmée à la frontière avec le Tibet.
Cette présence française avait déjà été très remarquée en octobre dernier, lors du dépôt des candidatures de films étrangers aux Academy Awards : sur les 83 films présentés, 13 étaient d’origine française ou franco-étrangère. Un record.
Le CNC, symbole de l’exception française
« Nous sommes très fiers de voir le cinéma français aussi fortement représenté dans la course aux Oscars. La coproduction et l’ouverture vers d’autres cinématographies nourrissent notre cinéma, inspirent nos auteurs et offrent un formidable rayonnement international », avait alors déclaré la directrice générale d’UniFrance, Isabelle Giordano.
Comment expliquer cette présence exceptionnelle des co-productions françaises ? « Il y a deux raisons à ce succès », explique François Truffart, directeur du festival de cinéma français City of Lights/City of Angels (CoLCoA), à Los Angeles. « D’abord, le fait que la France a une forte tradition de soutien au cinéma, via un système de subventions unique au monde. » Grâce au système d’avance sur recettes, créé en 1959 par André Malraux, le Centre National du Cinéma (CNC) attribue chaque année quelque 25 millions d’euros d’aides à une soixantaine de films, souvent issus du cinéma indépendant.
« L’autre raison, c’est que de manière générale, le cinéma dans la plupart des pays, ne se porte pas très bien, ajoute François Truffart. Les réalisateurs étrangers ont tout intérêt à se tourner vers la France pour produire leurs films. Ils bénéficient de cette façon d’un système de subventions très favorable aux co-productions et aux collaborations étrangères. La France a toujours et continue de manifester un grand intérêt pour les cinémas étrangers. »
De plus, en 2012, un nouveau fond appelé « Aide aux cinémas du monde » a notamment vu le jour. Dédié intégralement aux co-productions internationales, son budget annuel s’élève à six millions d’euros.
41% des films français sont des co-productions
En 2014, les co-productions internationales représentaient 41% de la production cinématographique française, selon des chiffres du CNC publiés le 4 février. Sur 258 films agréés, 106 étaient des co-productions ou des films à majorité étrangère. Un chiffre en très légère baisse par rapport à l’année 2013 (43%) mais dans la moyenne de ces dix dernières années.
« Depuis quelques temps, on remarque un intérêt croissant pour les co-productions franco-asiatiques, l’Asie étant un marché cinématographique en pleine expansion », souligne le directeur de ColCoa. Lui-même a présenté au sein de son festival, l’année dernière, la co-production franco-chinoise « La lampe au beurre de yak », en lice dimanche.
Hu Wei, le réalisateur, et Julien Ferret, le producteur du film, se sont liés d’amitié en France, où le réalisateur chinois, passionné de cinéma français, est venu faire ses études. « Quand Hu Wei m’a parlé de son projet de court métrage en 2009, j’ai été séduit et je me suis renseigné sur les possibilités de financement », explique Julien Ferret d’Ama Productions.
Des courts-métrages en langue étrangère chouchoutés
« Fin 2010, nous avons obtenu rapidement une aide du CNC (ndlr : 70 000 euros), puis de la chaîne Arte. Ce système est particulièrement avantageux pour les co-producteurs de courts-métrages qui souhaitent tourner à 100% dans une langue étrangère [les longs-métrages, eux, doivent obligatoirement contenir 50% de français pour pouvoir être financés]. Pour nous, cela a été une véritable aubaine car notre film devait être tourné en tibétain, avec des nomades qui habitent à la frontière avec le Tibet », ajoute le producteur.
Au-delà de l’aspect économique, Julien Ferret voit dans les co-productions, un réel intérêt artistique. « Le fait de travailler avec des étrangers permet de sortir des sentiers battus, des clichés, de confronter des points de vue. Sans parler du petit goût d’aventure qui va avec ! Au final, tout cela ne peut que stimuler la créativité. »