Maëlle Gavet a beau être passionnée par les enjeux de la tech, elle ne s’attendait pas, de son propre aveu, à publier un livre. « Cela s’est fait de façon organique. J’ai écrit plusieurs articles, parlé de la place de l’humain dans la tech à des conférences, et un éditeur d’Harvard Business Review m’a conseillé d’en faire un livre. Le process a duré un peu plus de 18 mois. »
Son premier ouvrage, intitulé « Trampled by Unicorns: Big Tech’s Empathy Problem and How to Fix It », n’est pas une autobiographie, précise-t-elle d’emblée. Mais plutôt le fruit de ses réflexions après près de quinze ans passés dans la tech. Car cette étoile montante française du secteur connaît très bien le sujet : après avoir dirigé Ozon, l’Amazon russe, puis partagé son temps entre l’Europe et les Etats-Unis chez le voyagiste en ligne Priceline, elle vient de passer près de trois ans comme COO de Compass – une licorne de l’immobilier – dont elle est partie à l’automne dernier.
Dans ce livre, elle voulait, dans un premier temps, apporter une analyse pointue des enjeux à l’heure actuelle. « Il est assez facile d’être caricatural sur les problèmes de la tech. Il n’y a pas que des bons d’un côté et des méchants de l’autre, je trouvais important de rendre compte de la complexité de cet écosystème. » Puis dans un second temps, apporter des réponses, des solutions pragmatiques en fonction des besoins. Car elle ne croit ni à l’école libérale, qui estime que la tech va réussir à s’autoréguler sans intervention publique, ni à l’option nucléaire, scinder les mastodontes de la Silicon Valley, selon les vœux de la sénatrice et ancienne candidate à la présidentielle Elizabeth Warren.
Maëlle Gavet estime que toutes les parties prenantes – dirigeants, employés, boards, clients – ont leur rôle à jouer, et qu’il faut organiser un partenariat entre le public et le privé. A fortiori entre Etats-Unis et Europe, qui s’opposent et démontrent leurs divergences sur des sujets cruciaux que sont la liberté de parole et la fiscalité. Elle identifie ainsi cinq besoins : cultiver l’empathie et remettre l’humain comme point de départ et final de toute décision, réguler l’économie de la surveillance et la collecte des données, défendre les faits et l’exactitude de l’information, limiter le pouvoir excessif des entreprises tech et enfin faire de ces acteurs de meilleurs citoyens, par exemple en arrêtant de travailler avec des gouvernements autocratiques.
Pour y répondre, elle propose deux lignes de conduite. D’une part, une tolérance zéro sur la désinformation et le cyber-harcèlement. Car si les Facebook et autres Twitter ont des codes exhaustifs sur leurs contenus, ils ne les appliquent pas toujours. Et d’autre part, refondre totalement les algorithmes de recommandations, le nerf de la guerre du trafic pour les réseaux sociaux, qui sont aujourd’hui basés sur l’offense pour déclencher plus de réactions et de partages. « Il ne faut pas confondre “freedom of speech” et “freedom of reach”. La tech n’est jamais neutre », fait valoir Maëlle Gavet, pour qui ces entreprises tech peuvent très bien contrôler les contenus qu’elles promeuvent et ceux qu’elles éliminent.
Des pistes de réflexion pour la prochaine administration américaine, mais aussi pour la French Tech, dont Maëlle Gavet vient de prendre la présidence du board new-yorkais en juillet dernier.
« Trampled by Unicorns: Big Tech’s Empathy Problem and How to Fix It » de Maëlle Gavet