Assise entre plusieurs piles de papiers et de cartons dans son appartement de Tribeca, Sophie Matisse se remémore sa vie avec l’artiste-peintre Alain Jacquet, décédé en septembre dernier. Pas facile avec un nom comme celui de Matisse de trouver ses marques. Son arrière grand-père Henry était le célèbre peintre, son grand-père Pierre était marchand d’art, et son père Paul a lui-même était sculpteur. Sophie est tombée dans la peinture toute petite, pourtant c’est la patience, l’amour et l’envie suscitée par son mari Alain qui poussent la jeune fille plutôt discrète et timide à suivre les traces de ses ancêtres. Qui se cache derrière Sophie Matisse ? Une femme réservée entourée d’hommes célèbres ou tout simplement Sophie une peintre américano-française reconnue pour son talent ? Elle sourit.
Née à Boston en 1965, du sculpteur français Paul et d’une mère américaine, Sophie est la cadette de trois frères. Toute petite, elle se réfugie à l’abri des regards pour dessiner, peindre, composer et remplir ses carnets de croquis. A l’âge de 21 ans, elle décide de partir étudier aux Beaux-Arts de Paris. Elle se souvient encore de l’inquiétude de ses parents lorsqu’elle a quitté les Etats-Unis. « Ils étaient fiers et en même temps ils avaient peur pour moi ». Quelques mois après son arrivée à Paris, le coup de foudre est immédiat entre la jeune fille et le peintre Alain Jacquet, de 20 ans son aîné. L’artiste avait été rendu célèbre dans les années 1960 pour avoir lancé aux Etats-Unis et en France une forme d’art relativement proche du Pop Art. Précurseur de Warhol, il ne sera finalement jamais reconnu à la hauteur de son talent. «J’ai tout de suite été séduite par cet homme. Il portait des lunettes fumées et je ne savais pas s’il me regardait, mais j’ai su que s’il se passait quelque chose entre lui et moi, ça allait être différent de ce que j’avais connu jusqu’à présent. Il était très libre et j’aimais beaucoup cela », explique-t-elle.
« Alain m’a aidée à m’exprimer dans mon travail. Je me suis réellement mise à peindre après la naissance de ma fille Gaïa. J’avais le poids de Matisse et c’était très difficile pour moi de trouver ma propre peinture ». Sophie commence par reproduire Vermeer, puis Picasso, Degas, ou encore Manet et Matisse. « C’était mon attitude de penser, si j’aime ce tableau je peux le reproduire. Mon père lui réalisait vraiment tout ce qu’il voulait, avec beaucoup de facilité ».
Sophie Matisse lance en 1997 une première série de toiles, où elle reproduit les plus grands chefs d’œuvres de l’histoire de l’art tout en, en gommant les personnages principaux. « Cette idée m’est venue un soir alors que j’étais en train de regarder le tableau de Mona Lisa et toutes les reproductions qui avaient été faites d’elle. Il était tard et j’ai commencé à penser qu’elle devait en avoir marre. J’ai alors décidé de lui donner un peu d’air et je me suis mise à la gommer de mon tableau », explique l’artiste-peintre qui efface ensuite les invités du déjeuner de Manet, puis les protagonistes de Guernica ou encore les poissons de Matisse. Le succès est immédiat.
Quelques mois après le 11 septembre, choquée par l’effondrement des tours à quelques blocs de son appartement, la peintre prend conscience qu’une Matisse ne peut pas reproduire du Picasso ou du Vermeer mais doit avant tout créer du Matisse. C’est alors qu’elle compose une nouvelle série de tableaux, plus colorée, plus travaillée et recherchée et dans laquelle une patte griffée vient lacérer la toile. Nouvelle série, nouveau succès pour Sophie qui prend ses marques et se libère de la pression Matisse.
« C’est Alain qui m’a aidée à me libérer des contraintes de la peinture », explique-t-elle. Elle est la muse du peintre Jacquet, il est le maître de l’élève Matisse, ensemble ils sont libres. Cette liberté et cet amour va durer plus de vingt ans. Atteint d’un cancer, Alain Jacquet est décédé en septembre dernier à l’âge de 69 ans. C’est désormais seule que Sophie affronte la toile, la couleur, avec la grandeur d’une artiste. «Je me suis surprise, depuis le décès d’Alain, à décliner des bleus indigos ou des couleurs très vive ».
Il y a quelques semaines, elle a décidé de reprendre l’atelier de son mari, pièce conjointe à leur appartement, pour en faire son atelier et y entreposer ses toiles. «Je sens sa présence à mes côtés. J’ai l’impression qu’il est là, qu’il me parle et parfois quand il me manque je l’emmène dans mes rêves ou dans ma peinture», ajoute-t-elle. Aujourd’hui Sophie Matisse se sent plus forte. «J’aime bien la direction que je prends et malgré les difficultés, c’est mieux maintenant». Elle est à 43 ans une femme épanouie. Elle est surtout une artiste qui a su allier la magie du nom Matisse au savoir faire Jacquet donnant ainsi lumière et vie aux tableaux de Sophie.
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uNE ARTISTE SALUE UNE AUTRE ARTISTE MAIS QUI ELLE EST RECONNUE; S’APPELER MATISSE ne peut qu’être un plus… (forcément elle ne peut qu’avoir du talent..)
et les portes s’ouvrent certainement plus facilement. Tant mieux, et longue vie à cette franco américaine.. exposer à NY pour une française est pratiquement impossible… à moins d’avoir des appuis, mais aussi j’espère du talent qui n’est pas dû à son nom… sympathiquement.