On connaissait Philippe de Montebello, le vénérable directeur du Metropolitan Museum qui a annoncé son départ à la retraite cette année. Le monde de l’art compte aussi avec un autre Philippe, qui prendra celui-ci les rênes de Dia Art Foundation à partir de mi-septembre. L’aventure américaine de Philippe Vergne comme en 1997 lorsqu’il quitte le MAC (Musée d’Art Contemporain) de Marseille qu’il dirige pour rejoindre le Walker Art Center à Minneapolis. Ses expositions sont très remarquées comme celle sur les architectes Herzog et de Meuron.
En Avril 2005, il quitte le Walker pour diriger la fondation de François Pinault qui devait voir le jour sur l’île Seguin à Paris. Mais le projet capote, Venise gagne le cœur et la collection de François Pinault et Philippe Vergne se retire du projet. « Trop humide !», lance-t-il avec humour quand on lui demande pourquoi il n’a pas voulu aller dans la cité des Doges. «J’étais absolument fasciné par le projet parisien qui était un projet difficile sur un site industriel. Il y avait un aspect sociologique et la nécessité de développer des stratégies pour attirer les visiteurs sur l’île Seguin qui n’est pas dans le centre de Paris. Quand ça a changé, j’étais très déçu», ajoute-t-il plus sérieusement.
Il retourne alors au Walker Art Center. «Minneapolis a un grand niveau de culture, de curiosité et d’éducation, ce qui a permis l’émergence d’une institution comme le Walker Art Center. La communauté m’a ouvert ses portes, accueilli à bras ouverts.» S’il se plait à Minneapolis, il ne peut pas résister cette fois-ci aux sirènes de Dia.
L’homme ne sera pas perdu à New York. Son cercle d’amis inclut le gratin du monde de l’art comme Chrissie Iles avec qui laquelle il a organisé la Biennale du Whitney Museum en 2006. Il ne connaît pas personnellement Philippe de Montebello mais cela ne saurait tarder. « Philippe de Montebello est une légende, j’ai toujours été un peu intimidé par l’importance de son statut et le travail formidable qu’il a fait au MET. Maintenant que je serai à New York, j’espère avoir le privilège de le rencontrer et comprendre de sa bouche comment diriger une institution à Manhattan, bénéficier de ses conseils et de son expérience ».
Il risque effectivement d’en avoir besoin. L’histoire de Dia n’est pas un long fleuve tranquille. Après avoir rénové le site de rêve de 25000m2 d’une usine de cookies à à Beacon, Dia est contraint de fermer son espace de Chelsea sur la 22ème rue. Si l’excursion à Beacon tient de la retraite zen, avec un trajet en train magnifique, pour le monde de l’art le musée est comme amputé « Sans un espace d’exposition à Manhattan, Dia est le fantôme d’elle-même», dit un critique du New York Magazine. Philippe Vergne va-t-il réussir à ressusciter la Dia Foundation?
Quels sont vos défis ?
Trouver un espace dans Manhattan. On cherche un bâtiment le plus à même de répondre aux besoins de l’institution. Le processus a été enclenché avant ma nomination. Il s’agit de repenser le cœur de la philosophie de Dia, la réinventer dans le présent avec une nouvelle génération d’artistes. Quelle sera la répartition du programme entre Manhattan et Beacon ? Nous veillerons à ce que les deux entités ne se fassent pas de compétition, qu’elles soient complémentaires.
Y-a-il un quartier à Manhattan qui vous faire rêver?
Il est trop tôt pour dire. Mais le bâtiment dictera le quartier. Quand Dia s’est installé à Chelsea, le public est venu et les galeries se sont installées autour. J’espère que la force du programme fera venir le public.
Quelle est l’identité de Dia ?
C’est un mythe, un idéal. Rêver en dehors de la contrainte des institutions, des galeries. Historiquement, le fondateur Heiner Friedrich voulait donner aux artistes l’opportunité de créer l’œuvre idéale. Cet esprit là continue. Dia est un laboratoire, qui crée des collaborations très intimes avec les artistes.
Est-ce une trajectoire banale de passer de curateur à directeur?
Oui. Lisa Phillips, directrice du New Museum, Neal Benezra directeur du SFMOMA à San Francisco étaient des curateurs. Bien sûr, les institutions ont tellement changés ces dernières années que les directeurs ont souvent un background administratif, de management. Mais il est important d’avoir connaissance du terrain, de savoir ce qui est nécessaires, pour bien comprendre les contraintes d’une institution.
L’ancien directeur de Dia a démissionné après seulement neuf mois. Cela ne vous effraie pas? Non. Jeffrey Weiss s’était rendu compte que sa passion pour la recherche était plus importante. Même si j’avais des frayeurs, c’est bien de pouvoir faire face à ses frayeurs. Quand il y a des enjeux, des risques, cela rend une profession et une vie plus intéressantes. Je suis très entouré par le conseil d’administration, donc je suis relativement confiant.
Aurez-vous les budgets nécessaires pour accomplir ce que vous souhaitez ?
On les trouvera. La situation financière de Dia très stable en ce moment. Bien sûr, cela sera un défi de financer un nouveau bâtiment. S’agrandir à un coût, mais il y a un tel désir du conseil d’administration de Dia pour que le musée retrouve une présence dans Manhattan.
Pourquoi avoir refusé le projet de Fondation Pinault à Venise ?
Interrompre la collection avec François Pinault était une décision difficile parce que j’ai beaucoup d’admiration pour sa collection et pour lui en tant que personne. Quand j’avais commencé à travailler avec François Pinault, nous avons projeté nos désirs dans un bâtiment à Paris. J’étais absolument fasciné par le projet parisien qui était un projet difficile, industriel, avec un aspect sociologique et la nécessité de développer des stratégies pour attirer les visiteurs sur l’île Seguin qui n’est pas dans le centre de Paris. Paris est ma ville natale. Quand ça a changé, j’étais, comme François Pinault, très déçu. Mais il y avait des problèmes administratifs qui ne se réglaient pas et François Pinault avait été très patient. Quand la ville de Venise lui a proposé le Palazzo Grassi, ça s’est passé très vite. La priorité de François Pinault, qui n’est pas un homme tout jeune, était de réaliser son rêve le plus vite possible.
Vous vous voyez retourner un jour en France?
Pour l’instant, je me vois à Dia. A chaque jour suffit son rêve ! Je ne sais pas : je n’avais jamais prévu d’aller au Walker Art Center à Minneapolis, pas plus que j’avais planifié de rejoindre l’équipe et l’histoire de Dia, je ne fais pas de plan de sur la comète. Dia sera une aventure magnifique, je vais en profiter le plus possible et faire en profiter le public le plus possible.
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Je souhaite toute la réussite possible à Philippe Vergne. Il est audacieux et sait prendre des risques. J’aime quand il dit “rêver en dehors de la contrainte des galeries…”. Mais comment faire pour un artiste qui n’est pas connu, pour pouvoir avoir le plaisir et l’opportunité de se faire connaître ? Je dirais à PH. Vergne que dans son futur lieu, il y ait une toute petite place pour des expositions d’oeuvres d’artistes qui pourraient -après avoir reçus son aval et celui de son staff- exposer qq toiles et ainsi avoir peut-être la chance, d’être reconnu. Bonne chance Monsieur Vergne
Article passionnant. Bravo, on en redemande!