«Avec l’exposition majeure du MOCA sur l’art de la rue, présentée en ce moment, c’était l’occasion idéale pour se consacrer au sujet», explique Caradoc, Américain franco -phile et -phone qui tient la toute nouvelle galerie Maximillian, située à l’entrée du Sunset Marquis. Cet hôtel prisé des stars, notamment des rocks stars en raison de son studio de musique installé au sous-sol, est aussi l’endroit idéal pour cette galerie qui a ouvert en décembre dernier. «Grâce aux musiciens et aux célébrités, c’est un bon endroit de passage», glisse Caradoc. Et qui de mieux que la bourgeoisie underground pour raffoler de (et acheter) l’art anti-conformiste et rebelle (illégal, même) qu’est celui de la rue?
Jusqu’au 26 mai, il présente donc 17 toiles signées Jean Faucheur, cet artiste de rue qui a sévi dans les années 80 à Paris et a fréquenté quelques uns de ses homologues new-yorkais tel Keith Haring (célèbre pour ses motifs enfantins). Mais si Haring est décédé il y a onze ans du Sida, Faucheur, né en 1956 à Versailles, est toujours bien vivant et actif. Sur les 17 toiles exposées, 15 ont été réalisées cette année, les deux autres datant de 2007. Pour la plupart, des portraits qui mêlent gouache et marqueurs.
Jean Faucheur, colleur d’affiches détournant des publicités dans Paris, perçoit la rue comme « les nouveaux Beaux-Arts ». «Quand tu viens de la rue (…), tu ne viens pas forcément d’un milieu favorisé ou protégé. J’ai découvert que beaucoup ne se prétendent pas artistes et je trouve ça très respectable, car tout d’un coup ils sont libres (…) Ils tentent de s’ouvrir à l’extérieur, ils n’ont pas les réseaux, ni les codes, donc ils tentent de trouver des solutions, ils vont dans la rue pour se faire connaître», disait-il en 2004 au moment de la parution de son livre « Jusque-là tout va bien ! ».
Faucheur, qui passe désormais la bombe et le pinceau comme un relais, a co-fondé voici quelques années l’association du M.U.R (1), un collectif d’artistes de rue qui officie sur les 3 mètres sur 7 du panneau de pub de la place sans nom, au croisement des rues Oberkampf et St Maur, à Paris. Si, dans la capitale française, le mouvement a su accoucher de quelques pionniers tels Faucheur ou, plus connu, Blek Le Rat (qui vient de signer aux côtés de Banksy sur un mur de San Francisco), à Los Angeles, il fait totalement partie du décor. Caradoc l’a bien compris : «What graffiti is to New York, street art is to LA ». Tel est le nom de sa prochaine exposition, en quelques sortes introduite par celle de Jean Faucheur, qui débute le 28 mai.
Caradoc laissera alors le soin au collectif Melrose/Fairfax, du nom de ce quartier où l’art de rue s’exprime intensément, de choisir les œuvres. Pour peu qu’on traîne un peu dans le dédale des graffs de la cité des Anges, on reconnaît vite les signatures ou les styles de chacun d’entre eux, que l’on a forcément repéré sur un poteau électrique ou un mur. Parmi eux, Alec Monopoly, Homo Riot, ou encore ce garçonnet, Bod Bod, qui arpente déjà à 9 ans les trottoirs nocturnes armé de sa colle et de ses affiches (dont l’une revendique « Pay teachers more ! »). Smear devrait aussi être de la partie, cet artiste arrêté en mars dernier par la police, puis condamné à 13 jours de prison et 45 jours de « nettoyage de graffiti ».
Toujours dans cet esprit décalé, Caradoc expose quelques guitares peintes, un tom de batterie signé de l’un des membres des Ramones, ou encore des ‘stickers’ (forme courante de street art) estampillés 2wenty, sur lesquels l’artiste raille Facebook, peint en forme de paquet de « cigarettes sociales », à vendre pour 20 dollars l’unité. Les toiles de Faucheur sont quant à elles étiquetées entre 2600 et 4600 dollars. Caradoc, nomade et touche-à-tout, enfant d’artistes né à Neuilly-sur-Seine, s’offre aussi le luxe de présenter quelques bijoux à vendre pour attirer le chaland. Après tout, il est diplômé d’HEC, donc le business est au moins autant dans ses gènes que, selon ses propres mots, « la sensibilité à l’art ».
http://lemur.asso.fr/
Maximillian Gallery, Sunset Marquis, 1200 Alta Loma Rd, West Hollywood.
Expo Jean Faucheur, 23 avril-26 mai.
« What graffiti is to NY, street art is to LA », 28 mai-30 juin