C’est l’histoire de deux copains d’enfance, dont les parcours n’ont cessé de se croiser jusqu’à l’école de commerce. Michael Philippe et Robin Sabban ont seulement 30 ans, mais déjà une longue et fructueuse carrière d’entrepreneurs derrière eux. Les deux amis ont fondé en 2011, à peine diplômés, LeKiosk, une des applications les plus rentables de l’Appstore, qui propose des journaux et des magazines en ligne.
Passionnés par le monde des médias et par les nouvelles technologies, les deux amis ne comptaient pas s’arrêter en si bon chemin. “On a constaté que nos abonnés étaient surtout des personnes de plus de 35 ans, explique Michael Philippe. On s’est interrogé pour savoir comment les plus jeunes suivaient l’actu, et on s’est rendu compte de plusieurs bouleversements sur ce marché: les jeunes consomment des contenus sur leur téléphone portable, grâce aux médias sociaux, et ils privilégient les vidéos“.
Pour les deux amis, il n’y a plus aucun doute: il faut créer un nouveau média, 100 % vidéo et 100% sur les réseaux sociaux. Dans l’aventure ils sont rejoints par un troisième ami, Swann Maizil. En février 2016, Keli Network était fondé, et deux mois plus tard, une levée de fonds de 2 millions de dollars permettait à la start-up de se développer grâce à quatre chaînes thématiques: Oh my goal, pour les fans de football, Gamology pour le gaming, Geniusclub la chaîne innovation et Beauty Studio, pour les tutos beauté. Six mois à peine après le lancement de la start-up, Michael Philippe s’installait à New York, pour conquérir le marché américain.
“On avait l’ambition dès le début de construire un leader international, or New York est le premier hub média dans le monde. C’est là que toutes les grandes marques se créent, le marché est ici. Il est beaucoup plus grand qu’en France car les Américains sont beaucoup plus consommateurs de médias“, explique le co-fondateur arrivé il y a sept mois aux Etats-Unis. Les Américains correspondent effectivement à la cible: 90% des jeunes consomment de l’info sur leur téléphone et en 2016, 62 % d’entres eux passent par les réseau sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat.
Depuis le lancement de Keli Network, la croissance est exceptionnelle, reconnaît Michael Philippe: “On est passé de zéro à 700 millions de vidéos vues par mois et notre objectif est d’arriver rapidement au milliard“. Les plus gros concurrents dans des styles différents, s’appellent Buzzfeed côté américain, AJ+ la chaîne 100% web d’Al Jazeera ou encore le tout jeune Brut, en France.
“Le principe de ces chaînes, c’est la viralité, explique le responsable du bureau américain. Les vidéos doivent se partager“. Pour ça, la data est indispensable à Keli Network, où une équipe dédiée s’intéresse à tous les sujets qui deviennent viraux sur internet. Un des plus beaux “coups” de Oh My Goal, a par exemple été de repérer la ferveur autour des supporters irlandais pendant l’Euro 2016. Résultat: une compilation des plus grands moments et une vidéo devenue virale.
“Une autre partie de nos contenus est générée par les utilisateurs, notamment dans le gaming, détaille Michael Philippe. On reçoit une centaine de vidéos par jour, de gens de la communauté qui nous envoient leurs actions pendant qu’ils jouent et on choisit les contenus qui nous paraissent les meilleurs“. Pour être efficaces, les vidéos de Keli Network, quelle que soit la chaîne thématique, ne dépassent pas 1:30 minutes. “Le format idéal pour un visionnage sur les réseaux sociaux car le temps d’attention sur mobile est plus réduit que sur un ordinateur ou une télévision“.
Les co-fondateurs de Keli Network en sont persuadés: ils contribuent au média de demain. “Dans cette révolution qui a débuté, les chaînes de télévision traditionnelles sont les plus grosses perdantes“, selon Michael Philippe, notamment aux Etats-Unis où les chutes sont vertigineuses. “Ces médias traditionnels n’ont pas vu ou n’ont pas voulu voir arriver ce phénomène et maintenant il est trop tard. Pour nous, c’est une opportunité incroyable de créer une nouvelle marque“.
Pour gagner de l’argent, Keli Network établit des partenariats, avec des marques intéressées par la viralité des vidéos. Ces annonceurs commandent des films et la start-up leur assure un nombre de vues. Une marque de maquillage propose un tutoriel, un jeux vidéo est présenté par un gameur reconnu, c’est ce qu’on appelle du “brand content”.
Un peu plus d’un an après le lancement de la start-up, 70 % de l’audience est localisée aux Etats-Unis. Même Oh My Goal fonctionne très bien au pays du baseball, justement parce que ce sport est sous-représenté dans les médias traditionnels. Si le bureau new-yorkais comprend aujourd’hui cinq salariés qui travaillent sur le contenu et le commercial, l’équipe compte aussi vingt-cinq personnes à Paris en recherche et développement. Une masse salariale qui devrait continuer de grimper avec le succès des chaînes de Keli Network. Les trois co-fondateurs réfléchissent eux déjà à de nouvelles thématiques comme le voyage ou la musique.