Dans ses films, il montre le racisme ordinaire. Celui moins ordinaire et plus violent. Il met en scène des travestis dans des situations de la vie quotidienne. Il dénonce le sexisme et l’absence d’égalité entre les hommes et les femmes. Et illustre l’hypocrisie sur tous ces sujets-là. Pas grand chose d’étonnant en 2023. Sauf que ses films ont été tournés dans les années 80 et sonnent aujourd’hui terriblement actuels. Le réalisateur français Julius-Amédée Laou fait l’objet d’une rétrospective au BAM du vendredi 20 au jeudi 26 octobre, avant d’être diffusé à Philadelphie (Lightbox Film Center le mercredi 25 octobre), Memphis (Indie Film Festival le jeudi 26) et Miami (Coral Gable Art Cinema les samedi 28 et dimanche 29).
Le metteur en scène, aujourd’hui âgé de 73 ans, répondra également aux questions du public lors d’échanges programmés les vendredi 20 et samedi 21 octobre au BAM. « Je suis très heureux d’être montré aux États-Unis », confie-t-il à quelques jours du début de l’événement. Le mérite en revient surtout à un programmateur indépendant américain : Steve Macfarlane est tombé un peu par hasard sur le travail du réalisateur français et a décidé de lui offrir une deuxième vie aux Etats-Unis.
« J’ai d’abord visionné un de ses court-métrages, Solitaire à micro ouvert, qui m’a beaucoup ému, raconte Steve Macfarlane. Je l’ai montré dans des festivals à Londres et Berlin, et il a rencontré un très fort succès. Son travail est très puissant, urgent et actuel. Il est devenu important pour moi qu’un nouveau public voit ses films. »
D’autant plus que Julius-Amédée Laou, qui est tout sauf consensuel, nourrit un certain ressentiment au sujet de son traitement en France, où son travail cinématographique est très peu visible. « Je suis censuré en France depuis quelques décennies, estime-t-il. D’où le titre de cette rétrospective : ‘’Laou’s cinema of sédition’’. Mon dernier film n’a pas été distribué. Ce qui me fait beaucoup rire, c’est de voir qu’on déroule en France le tapis rouge à Spike Lee, car il critique le racisme aux États-Unis, et les réalisateurs qui disent la même chose sur le racisme français sont muselés. »
Son prochain film, Julius-Amédée Laou le réalisera avec les 42 comédiens de la troupe de théâtre qu’il anime à Montpellier : « Il y a 50 ans, Godard disait : Dans le futur, vous pourrez acheter une caméra dans l’épicerie en bas de chez vous et tout le monde pourra faire du cinéma. C’est ce qu’on va faire, sans aucune subvention, en y mettant chacun un peu de notre pognon. »
« Il y a peut-être moins de place pour des films scandaleux aujourd’hui », estime quant à lui Steve Macfarlane. Le cinéma de Julius-Amédée Laou est également très personnel, introspectif, tout étant drôle et parfois comique. On peut facilement le qualifier de cinéma d’auteur, aussi bien sur la forme que dans le propos. Ces films-là ne sont pas les plus recherchés par les circuits de distribution. « Il y a eu beaucoup d’allers et retours entre nous pour échanger à propos des traductions, développe le programmateur. Pour Solitaire à micro ouvert, on a par exemple travaillé sur une dizaine de versions possibles avant d’arriver à celle qui retranscrirait le titre original de la manière la plus juste. » Cela donne Open Mic Solitaire. Peut-être également la plus juste description du cinéma du réalisateur français et de sa personnalité sans concession.