Pour des spectacles qu’on ne sait pas vraiment qualifier, la langue anglaise, bonne mère, a prêté “performance” au français. Un vrai anglicisme, mais on ne trouve pas d’autre mot pour décrire ce qu’a contocté Joris Lacoste, et qu’il présentera en avant-première américaine au festival crossing the Line du Fiaf, les 12 et 13 septembre.
Le projet s’appelle “l’Enclyclopédie de la Parole”: depuis 2007, un groupe pluri-disciplinaire, dirigé par Joris Lacoste, “collecte toute sorte d’enregistrement de voix, qui sont ensuite répertoriés en fonction de phénomènes particuliers de la parole : cadences, choralités, compressions, emphases, espacements, mélodies, répétitions, résidus, saturations, timbres, etc” explique le site internet du projet. De cette matière brute, Lacoste fait son miel pour écrire des spectacles qui ravissent la critique, des “objets non identifiés, où les acteurs sont des instruments jouant la musique des archives sonores. Le premier, interprété en solo par l’actrice Emmanuelle Lafon depuis 2009, est toujours montré en France. “Suite n°2” est le dernier né de la série. C’est lui qui est présenté au Fiaf (et à Philadelphie les 15 et 16 septembre).
“L’idée est de créer une harmonie au sens musical, mettre ensemble des paroles qui peuvent créer une “musique”, mais aussi l’harmonie au sens métaphorique, comment ces textes qui se superposent peuvent créer du sens”, explique Joris Lacoste. Ils sont cinq sur scène, avec seulement un micro, un pupitre et une partition chacun, jouant en canon un puzzle sonore qui finit par créer un ensemble étonnant. Les extraits sonores se carambolent, les univers se fracassent les uns contre les autres, passant d’un discours du président syrien Bachar el-Assad à des ébats d’un site gay, d’un discours de George Bush à celui d’un entraîneur de rugby…
“Est-ce la forme, est-ce le fond? C’est tout l’objet ce ce travail, confie Joris Lacoste. La manière de parler est souvent au moins aussi signifiante que les mots utilisés”. Les acteurs sont tous musiciens ou “doués d’une excellente oreille”: il le faut pour exécuter la mise en musique des textes. Mais le travail de Lacoste va bien au-delà de la “musicalité” des textes. La sélection est aussi faite en fonction du sens l’autorité “douce et technocratique” d’une discours du ministre portugais de l’économie répondant par exemple à celle brutale et triviale d’un coach de gymnastique croate. Le spectateur n’est pas laissé dans l’ignorance: le nom de l’auteur du discours lui sont donnés, les textes sont tous sous-titrés en anglais quand la langue originale n’est pas l’anglais. Le but n’est pas de perdre l’audience dans le dédale d’un zapping infernal: “on cherche le contraire du zapping, dit Joris Lacoste. Ce n’est pas une simple juxtaposition, mais une tentative de faire entendre des rapports entre les choses. De faire sortir une forme d’harmonie du chaos ambiant”.
Le résultat est un spectacle enthousiasmant, virevoltant, dérangeant aussi, une réflexion puissante sur la cacophonie du monde contemporain.
A voir au Florence Gould Hall les jeudi 12 septembre et vendredi 13 septembre à 7:30. Tickets