Les “élites mondialisées” (NDLR: autrement dit vous les expats) sont un peu partout accusées d’êtres déracinées, “hors sols”. Ou encore, pour reprendre la distinction de l’essayiste anglais David Goodhart, “anywhere”, contrairement au peuple qui serait “somewhere”. Ran Harnevo n’est pas de cet avis. Pour lui, “être né ailleurs” est justement ce qui rapproche les “expats”, qui sont, au moins autant que les autres, attachés à leurs racines. C’est l’idée derrière Homeis, le réseau social pour expatriés dont il lance officiellement ce mardi la version française.
Tous les deux Israéliens, Ran Harnevo et son co-fondateur Hanan Laschover sont deux vétérans d’internet. Ils ont notamment co-fondé 5min, un service de video on line devenu ensuite AOL Video. Forts de leurs CV, ils ont levé l’an dernier quatre millions de dollars pour leur nouvelle startup israélo-américaine. Hanan Laschover dirige à Tel Aviv un bureau de développeurs, tandis que Ran Harnevo, CEO, s’occupe à New York du marketing.
L’idée, raconte Ran Harnevo, est venue d’une observation toute simple: “de plus en plus de gens vivent loin du pays où ils sont nés. C’est le cas de 40% des New Yorkais, 50% des habitants de Toronto, etc…” L’objectif est de connecter des communautés données d’immigrés ensemble, pour leur permettre d’échanger des conseils et services, de s’entraider. Il y a certes Facebook et notamment ses “groupes” de plus en plus en vogue, mais l’entrepreneur est persuadé qu’il y a une place pour lui à côté du mastodonte des réseaux sociaux: “Facebook a perdu de vue l’aspect communautaire qui est à son origine pour devenir un ‘fournisseur de divertissement’”. Les communautés d’immigrants sont, dit-il, les plus adaptées à un vrai “réseau social et culturel”: “je l’ai vécu en arrivant ici d’Israël. Lorsque vous débarquez, que vous ne connaissez rien ni personne, ceux à qui vous faites plus confiance spontanément sont les gens qui viennent du même endroit que vous”.
Il y a trois mois, Homeis a donc lancé une première version pour la communauté israélienne de New York. Les Français sont la deuxième “communauté test”. Pourquoi nous? “Pour avoir beaucoup voyagé en France, je trouve qu’il y a chez les Français quelque chose qui ressemble à nous les Israéliens; vous êtes plus “tribaux” que la plupart des autres européens. Observez un groupe de Français dans une soirée à New York, vous verrez qu’ils vont se mettre à parler leur langue très vite, même s’il y a des gens qui ne comprennent pas le français dans la salle”.
Une fois connecté à l’app, vous pourrez donc échanger avec d’autres Français de New York, poster des annonces, poser des questions ou y répondre, etc. “Contrairement à Facebook, où tout disparait, notre but est d’organiser l’information, de manière à créer une base pertinente et fiable”. Cette pertinence de l’information reçue, contrairement au “tout-venant” des grands réseaux sociaux est aussi ce qui explique le succès, en tout cas auprès des investisseurs, des “réseaux de niche”, ou “verticaux”, vague sur laquelle veut surfer Homeis. Ran Harnevo cite Fishbrain, une application et un réseau social pour pécheurs qui a levé 28 millions de dollars (entre autres “services”, Fishbrain vous envoie une alerte au son de moulinet quand un membre fait une grosse prise près de chez vous…). D’autres, au-delà des levées de fonds, ont réussi à assembler des communautés appréciables, comme Nextdoor, qui vise à créer des communautés d’habitants de mêmes quartiers et qui rassemble plus de 10 millions d’utilisateurs.
Pour atteindre la taille critique nécessaire, Homeis entend ajouter rapidement d’autres villes pour ses deux communautés de départ, puis d’autres communautés. Et le revenu? Ce n’est pas le sujet du moment. “J’ai des idées de monétisation bien-sûr, mais d’abord il nous faut prouver que les communautés d’immigrés veulent être ensemble. Si on y arrive, le revenu viendra!”