Ca y est, la France bascule à gauche. Le Parti socialiste et ses alliés prennent le contrôle de l’Assemblée nationale pour la première fois depuis 1997. La presse américaine ne manque pas de décortiquer ce bouleversement.
Pour Le Washington Post, le PS a obtenu « une majorité parlementaire confortable lors des élections », ce qui « semble garantir le passage des propositions de François Hollande pour revigorer l’économie et aider les pauvres à surmonter la (…) crise européenne de la dette ». Pour The Chronicle Herald, la victoire socialiste aux législatives représente un « revirement de situation sensationnel » de la part d’un parti « qui a passé la majorité des dix dernières années enlisé dans les divisions et confus sur ses objectifs ». Etant données la victoire de la gauche aux législatives et sa mainmise sur le Sénat, «le nouveau Président se trouve dans un drôle de pétrin politique. Il n’a aucune excuse pour ne pas honorer ses promesses de campagne. Ca devrait être le rêve de tout politicien », selon le Wall Street Journal. Il semble qu’« Ayrault et Hollande ont le projet de faire passer la réalité économique et fiscale avant le fantasme socialiste ». Pour le LA Times, « on peut s’attendre à ce que l’Union pour un mouvement populaire implose suite à des disputes fratricides ».
Si beaucoup de titres reconnaissent l’importance historique de cette alternance, certains se montrent moins emballés. Premier bémol : l’abstention, que relève le LA Times. « On peut pardonner aux Gaulois de s’être montrés las des élections » puisque « c’était le quatrième vote national en deux mois », note le quotidien. L’Atlanta Journal Constitution déplore que l’élection de dimanche ait permis au Front national de « s’introduire au Parlement ». Selon le journaliste, c’est le résultat de la stratégie de Marine Le Pen. « Le parti, connu pour ses critiques acérées, (…) mettra les ministres d’Hollande sur la sellette lors des questions hebdomadaires au gouvernement », restant ainsi dans la tradition d’une Assemblée « souvent chahuteuse».
Mais c’est surtout les intentions de François Hollande qui provoquent l’inquiétude. La façon dont le socialiste relèvera l’économie « a été gardée secrète avec précaution. Il aurait été imprudent politiquement de décevoir les fidèles du parti » avant la fin des législatives, considère un journaliste du New York Times, cynique. Le Wall Street Journal s’interroge également: « Bien que (cette victoire) est un atout pour mettre en application ses projets politiques, la question, pour les actionnaires, est de savoir si Monsieur Hollande utilisera son emprise sur le pouvoir pour s’attaquer aux challenges économiques ou bien les remettra à plus tard. » Prenant pour prétexte la synchronie des élections grecques et françaises, le site Market Watch compare la vie politique française à une épopée homérique. Pour le journaliste, Hollande est un « apparatchik doté de jugeote », et « ressemble à l’Odyssée » : « il se retient, teste les vents, calcule les risques avant de montrer sa main ». « S’il obtient une forte majorité pour soutenir ses politiques au niveau national, il se peut qu’il tente de surmonter la résistance allemande à la stimulation économique en pénétrant aux sommets de l’Union européenne à l’aide d’un Cheval de Troie qui contiendrait des alliés surprise dans son poitrail ».
Crise « diploma-tweet »
La presse revient également sur le « scandale » de l’entre deux tours des législatives : le tweet de soutien de Valérie Trierweiler à Olivier Falorni, l’adversaire de Ségolène Royal à la Rochelle. Le New York Times parle d’un « résultat amer » pour la reine du Poitou. Le journaliste regrette que « l’apparent ressentiment entre Madame Royal et Madame Trierweiler (ait) donné du grain à moudre aux commères et (ait) embarrassé Monsieur Hollande ». Le LA Times l’analyse avec ironie comme une « crise de jalousie de la part de la Première petite amie » envers Ségolène Royal, l’ancienne compagne du Président et la mère de ses quatre enfants. Le Time met les deux pieds dans le tweet: « Sexe, scandale et soap opera à la veille d’un vote français clé », titre-t-il. Le journaliste souligne que le message de Trierweiler est potentiellement dangereux pour l’unité socialiste. Mais cette situation soulève également un autre problème : « De quels moyens disposent les dirigeant du PS pour dire à la petite amie du patron de se la fermer ? » Pour le New York Times, « tout cela semble très français », et il dresse un parallèle avec la situation personnelle de François Mitterrand, rappelant qu’à ses obsèques étaient présentes à la fois « sa femme, sa maîtresse de longue date et leur fille ». « A l’évidence, le public français est tout aussi fasciné par les histoires de coeur des célébrités que n’importe quel autre », s’amuse-t-il. Dans un autre article du New York Times, le journaliste ironise sur le triangle politico-sentimental dans lequel François Hollande se trouve pris et compare la situation à une « scène tirée d’un Molière ou de Macbeth ».
Le Washington Post se montre plus sévère. Le journaliste présente Valérie Trierweiler comme « une journaliste qui vit avec Hollande et sert de Première dame de France non mariée ». Son message est décrit comme « méchant et inapproprié » et fut interprété comme « l’étalage d’une friction dans la vie personnelle de Hollande, en dépit de sa promesse d’introduire sobriété et réserve dans la présidence. » Businessweek aborde également ce manque de cohérence entre la volonté affichée de François Hollande et les faits, dans un article intitulé « Accords en sous-main, listes noires et duels amers ». « Souhaitant donner l’image d’un dirigeant “normal” », Hollande voulait se distinguer du « Sarkozy bravache (…) dont la vie personnelle faisait les gros titres et dont la présidence était dite trop centrée autour de sa propre personnalité et des intérêts de ses amis fortunés ».
Le retour de Sarkozy malgré lui
Nicolas Sarkozy, il en est justement question sur le site économique et financier Bloomberg. « L’ancien Président français, peut-on lire, qui reprend sa pratique du droit, pourrait bien passer le plus clair de son temps à défendre une seule personne dans les mois qui viennent: lui-même ». « Avec la fin de son immunité vient le temps des interrogations concernant son rôle (…) dans diverses allégations ». « Sarkozy est susceptible de rester sous les feux de la rampe, qu’il souhaitait tant éviter après sa défaite », poursuit le site. Il n’y pas que les affaires qui maintiennent l’ancien président dans la lumière. Il y a aussi Le Monarque, Son Fils, Son Fief. Le Time revient sur la sortie, jeudi dernier, de ce livre pamphlet sur le système Sarkozy dans les Hauts-de-Seine. Il est signé Marie-Célie Guillaume, ancienne directrice de cabinet de Patrick Devedjian au Conseil Général des Hauts-de-Seine. L’écrivain accuse l’ancien président de népotisme, entre autres torts. Pour le magazine, « il est difficile d’écarter les propos de l’auteur en les qualifiant de mensonges fantaisistes, comme certains politiciens en colère s’évertuent à faire », puisqu’elle dit tirer ses informations de son expérience personnelle, des années qu’elle a passées à « travailler au côté du clan Sarkozy ».
Hommage à Thierry Roland
Si Sarkozy est toujours sous le feu des projecteurs, il y a un autre individu qui ne le sera plus : Thierry Roland, décédé à 74 ans, la semaine dernière. Dans son blog de foot, « Goal », le New York Times rend un hommage appuyé au commentateur sportif de légende, le décrivant comme « un membre de la famille » de chaque Français. « Beaucoup de Français habitant aux Etats-Unis ou à l’étranger vous diront que suivre un match de l’équipe de France sans la voix de Thierry Roland n’est pas pareil. Quelque chose manque ». Le journaliste Michael Wisenfeld décrit Roland comme « quelqu’un qui n’aurait pas pu tenir longtemps au micro aux Etats-Unis, étant donné ses commentaires directs », rappelant qu’il avait qualifié un arbitre de « bâtard ». Cela n’empêchait pas Thierry Roland d’être un « amoureux des Etats-Unis, où il passait souvent ses vacances ». « Il adorait la mentalité de battant (des Etats-Unis, ndlr), leur ouverture d’esprit, de même que leurs plus grands performeurs, comme Frank Sinatra et Dean Martin », souligne le journaliste auquel Roland a demandé il y a quelques années de lui commander une série de DVD sur Martin. « Il collectionnait aussi différents souvenirs, des lettres de tous les présidents américains depuis Franklin D. Roosevelt au maillot de Michael Jordan, la plupart provenant de vendeurs à Manhattan », termine-t-il. Roland connaissait donc les Etats-Unis. Les Etats-Unis le connaissent maintenant un peu mieux.
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RIP Thierry .