Alors que les dossiers de demande sont en passe d’être soumis, le H-1B fait parler les candidats à la primaire, dans une campagne présidentielle où les questions d’immigration occupent une place centrale.
Tous les candidats, sauf Hillary Clinton et le républicain John Kasich, ont pris position sur le sujet. Tous proposent des pistes pour réformer un programme qui est utilisé, selon eux, au détriment des travailleurs américains. Côté républicain, Trump a dit qu’il “changeait” d’avis sur le sujet, défendant début mars l’idée de faire venir des travailleurs qualifiés aux Etats-Unis avant de dire une semaine plus tard que le programme H-1B, qu’il a utilisé comme patron, était “très, très mauvais pour les travailleurs.” Ted Cruz, auteur en 2015 d’une proposition de loi dont le nom (“American Jobs First”) dit tout, veut faire adopter de nouveaux règlements pour protéger les travailleurs américains et sanctionner plus lourdement les employeurs soupçonnés d’abus. Côté démocrate, Bernie Sanders soutient lui l’augmentation des salaires pour les travailleurs sous H-1B.
Créé pour permettre aux Etats-Unis de recruter des travailleurs étrangers qualifiés dans des domaines spécifiques (ingénierie, médecine, tech, finances), le visa est très demandé. Chaque année, le tirage au sort limité à 65.000 entrées (pour le H-1B régulier) fait le plein de candidats en quelques jours. Il est vu comme une aubaine par les grandes entreprises (de la tech surtout) désireuses de s’offrir les services de nouveaux cerveaux. A l’inverse, ses détracteurs le considèrent comme un levier pour recruter une main d’oeuvre étrangère à moindre prix. Une étude de 2005 du Center for Immigration Studies a trouvé qu’en dépit de l’obligation pour les employeurs de payer les employés H-1B au niveau de salaire en vigueur, ils touchaient en moyenne 13.000 dollars de moins que leurs collègues américains dans le domaine informatique, secteur de prédilection des H-1B.
“A la fin des années 90, l’offshoring était en train de décoller. Il y avait une forte demande pour des travailleurs étrangers dans le domaine de la tech car il était difficile de recruter. Cela a continué jusqu’à l’éclatement de la bulle internet et a repris après avec des programmes supplémentaires comme l’OPT ou les visas L, explique Hal Salzman, professeur à Rutgers University et spécialiste du H-1B. Il n’y a aucune preuve que le H-1B profite aux travailleurs américains. Il permet aux entreprises de faire des profits sans investir dans leurs travailleurs car elles ont la possibilité de piocher sans cesse dans un grand pool de travailleurs étrangers alors qu’il y a une main d’oeuvre qualifiée aux Etats-Unis. Dans l’histoire, l’investissement dans la main d’oeuvre a aidé les nations. Mais les entreprises de la tech ne voient pas les choses de la même manière. Personne ne les critique. Elles n’investissent pas dans l’avenir” , regrette-t-il.
Le H-1B contient des provisions pour “protéger” les travailleurs américains, mais certaines d’entre elles sont reconnues comme inefficaces. Selon le Washington Post, qui consacrait mi-mars un long article de “fact checking” sur le sujet, le H-1B contient bien des obligations de recrutement et de “non-remplacement” visant à prévenir toute discrimination contre les travailleurs américains. Mais celles-ci ne s’appliquent qu’aux compagnies “H-1B dependent” où les travailleurs sous H-1B représentent une part relativement importante de la force salariale. Les employeurs qui “remplacent” un travailleur américain par un travailleur H-1B encourent des sanctions financières, “mais cela ne s’applique pas si le travailleur étranger est payé au moins 60.000 dollars par an, ou possède un master ou un diplôme supérieur. La plupart des H-1B correspondent à ce profil, ce qui rend cette mesure inopérante” , souligne le quotidien. Surtout, le respect des démarches de recrutement et de non-discrimination reposent sur “la bonne foi” des employeurs, selon le Department of Labor.
“Aux Etats-Unis, il n’est pas possible de discriminer sur la base de l’âge, de l’ethnicité, du sexe. Par contre, il est possible de discriminer sur la base de la citoyenneté. Il n’y a rien pour le prévenir” , résume Hal Salzman.
Plusieurs pistes de réformes existent, comme obliger les employeurs à augmenter les salaires des travailleurs sous H-1B. Mais malgré les débats récents, et des poursuites judiciaires entamées par des travailleurs américains licenciés contre Disney et d’autres, rien ne devrait changer avant les élections de novembre. Mais après ?