“On est à l’avant-garde de Photoshop” , commente un visiteur, déambulant au milieu des photographies dans la galerie West du Getty Center. Un étage en dessous des peintures de Théodore Rousseau, le musée accueille l’exposition “Real/Ideal: photography in France, 1847-1860”, jusqu’au dimanche 27 novembre.
Elle retrace les premiers pas de la photographie en France, marqués par l’arrivée du film négatif en 1847, une révolution photographique sur fond de révolution politique. “Les artistes expérimentent l’appareil photo pour immortaliser, et utilisent les négatifs pour créer une forme d’art, commente Timothy Potts, le directeur du musée. Ils montrent le réel, mais aussi les possibilités de le rendre “parfait”, via des procédés” permis par les avancées techniques, comme les épreuves sur papier salé. Un débat sur l’aspect scientifique ou artistique de la photographie voit alors le jour.
Quatre peintres ratés devenus des avant-gardistes de la photographie
Pour évoquer ce sujet, le Getty Center met en lumière les oeuvres de quatre photographes prépondérants: Edouard Baldus, Gustave Le Gray, Henri Le Secq et Charles Nègre. “Ils étaient tous venus à Paris pour devenir peintres. Comme cela n’a pas fonctionné, ils se sont orientés vers la photographie et ont exploré l’aspect artistique” , détaille Karen Hellman, conservatrice-adjointe aux photographies du Getty Center.
L’exposition rassemble 140 clichés issus de musées, de collections privées et majoritairement de la collection du Getty Center. Les photographes de l’époque capturent le réalisme de leurs sujets, tout en essayant de les sublimer. Ainsi, quand le gouvernement demande aux photographes d’immortaliser l’architecture française avant la rénovation des monuments, ils font bien plus. Par exemple, Gustave Le Gray donne des tons sépia à l’église d’Aubeterre, qui revêt ainsi une dimension romantique et dramatique.
Leurs appareils immortalisent également des paysages évocateurs comme la forêt de Fontainebleau et des natures mortes. Et c’est à ce moment que les photographes décident de capturer les moments du quotidien, comme l’illustre une série sur les chemins de fer. Karen Hellman ne manque pas d’exemples, dévoilant deux tirages photographiques. “Photographiant des objets de sa maison, Henri Le Secq a créé une série autour d’un nouveau procédé: le cyanotype, un filtre bleu.”
Des clichés rarement, voire jamais, exposés
Certaines photos, sensibles à la lumière, sont recouvertes par un tissu noir. Mais le plus grand mystère se trouve dans une pièce plongée dans le noir, celle qui abrite les films négatifs, dont ceux acquis récemment par Jay McDonald, un résident de Santa Monica qui détient l’une des plus importantes collections privées de la photographie du XIXe siècle.
Afin d’observer les contrastes et les détails qu’offrent les photos, le visiteur doit appuyer sur un interrupteur, déclenchant une lumière spécifique. “Nous sommes chanceux d’accueillir des oeuvres très rarement exposées.” Ainsi, pour la première fois , “View of the Seine near the Pont Royal from the Pont Solferino” (1859) de Gustave Le Gray, quitte Paris.