Quand on se lance à son compte en France, on s’inscrit auprès de l’URSSAF, de la Maison des artistes ou de l’Agessa (suivant son secteur d’activité). Mais comment procède-t-on aux Etats-Unis ? Les indépendants y représentent 35% de la force de travail, selon une étude réalisée par Freelancers Union et Upwork.
Pour vous guider dans le monde du self-employment, French Morning a recueilli les conseils de Bryan El-Bez, expert-comptable auprès du cabinet Malom à Beverly Hills. “En France, on est obligé de s’enregistrer, ici ce n’est pas le cas”, prévient le Français. Pour autant, il conseille avant tout de faire appel à un avocat d’immigration ou un comptable (entre 75 et 500 dollars l’heure, selon les cabinets) quand on débarque dans une ville américaine. “Cela vous aidera à connaître les bonnes pratiques dans un pays qui n’a rien à voir avec la France.”
Avoir un permis pour travailler
Certains visas (le “O” pour talent exceptionnel ou le “I” pour les journalistes) permettent aux Français de travailler dans un domaine précis, mais il n’y a pas de Visa spécifique pour les freelancers. Pour les époux ou épouse d’un J-1 ou E-2, il faudra donc procéder à une demande d’Autorisation de travail (EAD, formulaire de demande à remplir) auprès des services américains. La procédure prend en moyenne trois mois, et doit être justifiée par une envie de “rayonnement culturelle”, et non financière.
En tant que travailleur indépendant (independent contractor ou sole proprietor), il faut demander une Business Licence auprès de la ville
Cette autorisation pour travailler dans la ville (qui n’est pas obligatoire pour certaines professions comme journaliste) est automatique, excepté si on ouvre une boutique. Il faudra alors reporter à la ville chaque année les montants perçus via l’activité. “Vous paierez potentiellement une taxe, mais ce n’est pas fiscal”, assure l’expert.
Etre en règle fiscalement
Une chose est sûre, vous n’avez pas envie que l’IRS (le fisc américain) vous tombe dessus. Pour éviter cela, voici plusieurs choses à savoir:
Vous devenez résident fiscal américain à partir du moment où vous restez sur le territoire plus de six mois par an. Il faut donc en informer le centre des impôts français, de manière à éviter les charges sociales ou pour ne plus appartenir à certains centres professionnels.
On devient de facto independent contractor quand on remplit sa déclaration fiscale. On peut exercer sous son Social Security Number ou demander un EIN (Employer Identification Number, à faire en ligne) à l’IRS. “Le freelancer déclare toujours ses impôts avec son SSN. Je recommande de prendre un EIN pour protéger ses informations personnelles et éviter de se faire voler son identité par exemple”, précise l’expert.
Dans les deux cas, vous devez reporter l’intégralité des revenus générés par votre activité dans l’impôt sur le revenu (le Schedule C). Pour qu’il soit complet, il suffit que votre (vos) client(s) vous envoie(nt) un ou plusieurs formulaires 1099 Form, rapportant les sommes qui vous ont été payées en tant qu’independent contractor au cours de l’année fiscale concernée.
Tous les 1099 sont inclus dans la déclaration fiscale. Si vous avez travaillé pour une entreprise française (ou hors US), vous ne recevrez pas de 1099. Toutefois, “il faut reporter tous vos revenus -même s’ils sont perçus sur un compte français- dans la déclaration fiscale américaine”, assure Bryan El-Bez. De ces revenus, le comptable déduira vos frais personnels (une nouvelle réglementation permet d’avoir un abattement supplémentaire de 20%, selon plusieurs conditions à voir avec votre comptable) pour en extraire le profit.
Si un freelancer réalise une prestation depuis la France en étant que résident américain, il est possible d’appartenir aux deux régimes d’imposition. “Mais cela n’est pas systématique, cela dépendra du type de prestation et du régime. Il faut donc analyser la situation au cas par cas.” Il existe une convention fiscale entre la France et les Etats-Unis qui permet de déduire aux Etats-Unis l’impôt que l’on a déjà payé en France.
Les freelancers doivent également composer avec une taxe supplémentaire, “un équivalent des charges sociales (CRG ou CRDS)” appelé Self-Employment Tax (Social Security and Medicare Taxes). “Grosso modo, cela représente 15,3% si on a un chiffre d’affaires jusqu’à 128.400 dollars, puis 3,8% au-dessus de 128.400 dollars (chiffres pour 2018)”, explique Bryan El-Bez, qui précise que cette taxe finance notamment le système Medicare pour les plus de 65 ans et la sécurité sociale américaine.
Etre transparent sur ce que l’on possède en France
Encore un moyen d’éviter les soucis, il vous faut déclarer l’ensemble de vos comptes en banque (si le total des comptes est supérieur à 10.000 dollars à un moment), assurance-vie et patrimoines (biens personnels, SCI, sociétés de type Sarl,…) dans une déclaration fiscale personnelle via le formulaire FinCEN Form 114. “Il faut déclarer le montant maximal de ce que l’on a possédé durant l’année”, précise l’expert-comptable. Cette fois, il n’est pas question d’impôt, juste d’une déclaration informative. “Si on ne le reporte pas et que l’IRS le découvre, vous risquez un redressement et d’énormes pénalités”, prévient-il. Et si vous avez oublié de le faire, vous pouvez toujours régulariser la situation.
Choisir une bonne assurance santé
Première démarche à faire : prévenir la CPAM de votre déménagement. Par la suite, il vous revient de choisir la couverture la plus adaptée : la Caisse des Français de l’Etranger (si vous rentrez souvent en France) ou une assurance américaine -il est aussi possible de cumuler les deux.
Notre expert-comptable recommande également aux freelancers de demander à leurs clients américains s’ils peuvent bénéficier d’une Worker’s Compensation, une assurance pour les accidents de travail, durant leur mission. “Beaucoup incluent les “independent contractor” dans ce service.”
Penser à votre retraite
Aucune cotisation n’est obligatoire en tant que freelancer, il faut alors cotiser par soi-même. “Ce n’est pas l’endroit où on va être le plus rétribué pour le travail fourni”, reconnaît Bryan El-Bez. Pour lui, il faut trouver des moyens de mettre de l’argent de côté comme le plan d’épargne IRA (avec un avantage fiscal) ou l’investissement dans la pierre.
Etre préparé (administrativement) pour se loger
“Les propriétaires vont demander des déclarations fiscales aux locataires. Si vous n’en avez pas, vous pouvez fournir des copies de relevés bancaires, donner une importante caution ou des mois de loyer d’avance”, explique l’expert-comptable. Ils ont aussi la possibilité d’avoir un “co-signer”, une personne qui se porte garant. “Quoi qu’il arrive, il est préférable de prendre une carte de crédit dès qu’on arrive pour avoir un “credit score” pour rassurer les propriétaires.”