Ah, la danse classique française: la cour de Louis XIV, les petits rats et l’Opéra de Paris…! Ces images font rêver, et non sans raison: la technique française est l’une des plus appréciées au monde.
Pourtant, jusqu’au mois de septembre dernier, il n’existait pas d’école de danse classique française à New York. Le danseur français François Perron y a remédié en créant la French Academie of Ballet. Quarante deux jeunes élèves -trente-deux filles et dix garçons – sont actuellement en formation dans cet établissement pré-professionnel. “Cela faisait longtemps que je voulais ouvrir une école française, assure François Perron. La France, avec Louis XIV, c’est quand même la patrie de la danse classique!” s’exclame-t-il.
Implanter la danse française chez les yankees ? Plus facile à dire qu’à faire. François Perron, ancien directeur de l’American Youth Ballet, le sait bien : entre la France et les Etats-Unis dans le monde de la danse, il y a plus qu’un océan. Cet ancien de l’Opéra de Paris, ex-danseur dans la compagnie La Scala en Italie, s’en rend compte dès son arrivée à New York en 1984. “Les danseurs français sont beaucoup plus minces que les Américains. Ici, ils sont plus costauds, plus charpentés, explique-t-il. Quand je suis arrivé, j’étais extrêmement mince, je n’osais pas me mettre torse nu”.
Création plus limitée aux Etats-Unis
Au-delà du physique, Français et Américains ont deux approches fondamentalement différentes de la danse classique. Contrairement à la France ou le ballet est une tradition ancienne (Louis XIV a ouvert la première école de danse, au XVII siècle), l’art s’est développé dans les années 40 aux Etats-Unis, quand le danseur George Balanchine a codifié toute la danse américaine. Ses caractéristiques: des pas extrêmement rapides, des poignets très souples et un visage dépourvu d’expression. Au contraire, la danse classique française a la particularité d’être très pure, “unaffected” comme disent les Américains. Les ports de bras sont très épurés et les poignets ne s’envolent pas. Enfin, “la danse française est beaucoup plus théâtrale que celle que l’on pratique à New York, affirme François Perron. Notre corps et notre visage expriment des émotions. Aux Etats-Unis, c’est la pure chorégraphie qui doit transmettre les sentiments”.
“Quand on parle de la danse classique française, on pense précision” poursuit-il. Le spectateur de l’Opéra de Paris ne peut (presque) pas distinguer un danseur de l’autre: tous réalisent les mêmes mouvements au même moment. En revanche, les danseurs américains du corps de ballet ne doivent pas forcément être “en miroir“.
Autre différence de taille: la réception de l’oeuvre par le public. “Ici, dès qu’on crée quelque chose qui sort de l’ordinaire, les gens sont déboussolés. En général, ils n’aiment pas”, assure le professeur de danse. “Le gros problème, c’est que dans ce cas les sponsors se retirent et la compagnie ne peut plus produire de spectacles”. En France, la danse classique connaît moins ce problème grâce aux subventions publiques, même si l’on a de plus en plus recours au mécénat dans l’Hexagone. “Du coup, la création est plus limitée ici, c’est dommage”, conclut François Perron.
“La danse classique française ne s’exporte pas”
Malgré les particularités de l’Hexagone, nos danseurs peuvent facilement travailler aux Etats-Unis. La danse française étant “unaffected”, elle peut s’adapter à de nombreux styles différents.
Pourtant, les Français sont rarement présents dans les compagnies new-yorkaises. Il y a évidemment le très célèbre Benjamin Millepied, surmédiatisé depuis Black Swan, qui danse au New York City Ballet, tout comme Sébastien Marcovici. Le troisième danseur français de New York, Alexandre Hammoudi, fait partie de l’American Ballet Theatre. Outre ces trois-là, pas de danseurs français dans les grandes compagnies new-yorkaises, d’après François Perron. “La danse classique française ne s’exporte pas”, analyse-t-il. Il travaille d’arrache-pied à le changer.
Voir le site de la French Academie of Ballet
L’école organise une master class la semaine précédant Noël pour les danseurs professionnels et amateurs. Pour s’inscrire, c’est sur ce site.
Photo: François Perron, fondateur de la French Academie of Ballet