On passerait devant Les Enfants de Bohème sans s’en apercevoir, la faute aux échafaudages. “Plus qu’un mois”, grince Stefan Jonot, patron de ce nouveau bistrot français du Lower East Side, à New York.
Bistrot, et pas brasserie : Stefan Jonot y tient. Pas d’ambiance belle époque, pas d’affiches du Chat Noir ou de Toulouse Lautrec. On se croirait plutôt dans un de ces bistrots bobos qu’on trouve dans l’est parisien.
Le menu du jour est écrit sur l’ardoise, la carte des vins est bien fournie. Sur le mur, une fresque de Jeanne Verdoux, artiste française basée à New York, et son mari John. Les chaises en bois sont des reproductions de modèles design des années 50. En fond sonore, du jazz ou du funk.
Bref, l’ambiance est chaleureuse, et les habitués font la bise au patron avant de s’installer au comptoir.“C’est un endroit familial, où les gens reviennent, j’essaie de créer une vraie fidélité”, nous dit le patron.
Stefan Jonot, fils d’un fromager de l’île Saint-Louis et d’une gardienne d’école, ne vient pas à l’origine, du monde de la restauration. Photographe et réalisateur, il tourné plusieurs documentaires, en particulier sur des musiciens. “Je suis vu comme un ovni par les autres restaurateurs français”, affirme Stéfan Jonot, qui vit depuis 16 ans dans le Lower East Side, et qui est très actif dans la communauté.
Cela ne l’empêche pas de s’y connaître en cuisine. “Je ne suis pas le tolier sur sa chaise en train de donner des ordres. J’ai un chef en cuisine, mais c’est moi qui ai fait le menu, et je touche à tout. On fait un maximum de choses maison : toutes nos sauces, notre mousse de foie gras, nos terrines… Et je ne prends que des produits locaux, de saison.” Aux Enfants de Bohème, les huitres, c’est que les mois en “r”. Et pas de gazpacho en janvier.
Les plats (que nous n’avons pas goûtés) font dans le classique français. “On a du tartare, du petit-salé aux lentilles, du coq au vin, du magret de canard, des assortiments de charcuterie, de fromages… Ce week-end, on attaque la blanquette.” La carte fait aussi figurer un boeuf-carottes, et des moules.
Pour faire vivre le restaurant, Les Enfants de Bohème propose une série de rendez-vous : un “happy hour”, des “family supper” avec un menu fixe pour les enfants, des formules déjeuner pas chères, des concerts le dimanche soir, des DJ les vendredis et les samedis…
Pour ouvrir Les Enfants de Bohème, Stefan Jonot a repris le bail d’un “salon de coiffure chinois pourri”, qu’il a entièrement retapé et décoré. Il a utilisé pour cela l’argent qu’il avait récupéré suite à la vente, il y a quatre ans, de son précédent restaurant, Les Enfants Terribles, également dans ce quartier, mais qui s’était positionné sur un créneau brésiliano-africain. “Ca a duré dix ans, et puis à un moment, j’en ai eu marre, j’ai vendu. Mais ça marchait bien, c’était devenu le living room du quartier. Quand ça a fermé, les gens n’arrêtaient pas de me demander d’en ouvrir un autre.”
Pour les Enfants de Bohème, il a également trouvé quelques investisseurs, dont un acteur connu, Josh Lucas, un ami de longue date et qui passe souvent aux “Enfants”.
Quand il n’est pas au restaurant, Stefan Jonot continue de cultiver ses autres passions pour la vidéo et l’aménagement de l’espace public. Il s’investit dans Spontaneous Intervention, un organisme d’intervention urbaine et de “projets citoyens” créé avec sa femme Cathy Lang Ho, curatrice d’exposition et journaliste spécialisée en design et architecture.
Dans ce cadre, il va organiser des séances de visionage en plein air de la coupe d’Europe de foot sur Governor’s Island. Il l’avait déjà fait en 2014 pour la Coupe du Monde. “On avait ramené 30.000 personnes sur un mois”, se souvient-il. A voir s’il réussit à ramener autant de clients aux Enfants de Bohème.