Semblant voler sur l’eau, l’Energy Observer détonne sur le Pine avenue Pier à Long Beach depuis qu’il a amarré jeudi 22 avril. Il ressemble davantage à un vaisseau sorti de Star Wars qu’à un catamaran. Et pour cause, le navire, parti de Saint-Malo pour une expédition de sept ans autour du monde, est un laboratoire des énergies renouvelables et de l’hydrogène destiné à révolutionner le transport maritime.
Son esthétisme innovant pourra dérouter les curieux jusqu’au mercredi 28 avril. Pour eux, une signalétique a été installée dans ce port du sud de Los Angeles, rappelant les missions et les particularités du catamaran. “En raison de la pandémie de Covid-19, nous n’avons pas pu apporter notre village et exposition interactive”, regrette Victorien Erussard, capitaine et fondateur du projet Energy Observer qui assure davantage le rôle de CEO aujourd’hui.
Mais la crise sanitaire n’aura pas eu que des conséquences néfastes, rappelle-t-il. “Elle a accéléré la transition énergétique, un plan hydrogène de 7 milliards d’euros a été adopté en France.”
Un électrochoc sur le terrain
A l’origine du projet dès 2013, cet officier de marine marchande naviguait sur des navires de croisière et des ferrys consommant du “fuel lourd au large et du diesel proche de côtes”. En parallèle, ce coureur au large participait à de compétitions de renom, telles que la Route du Rhum, la Transat Jacques-Vabre et Québec-Saint-Malo. “J’ai eu une panne de l’alternateur diesel en 2013… Je trouvais alors que les bateaux n’étaient pas assez intelligents et j’ai eu l’idée de développer un navire vertueux”, explique celui qui était parrainé par Nicolas Hulot, une “inspiration”. Il décide alors de récolter des fonds pour “développer un système qui incarne le futur de l’énergie et accélère la transition maritime”.
Rien d’étonnant à ce que cette révolution soit initiée par un Français. “Nous avons une culture maritime pionnière en France, avec la course au large et la navigation”, estime le capitaine, qui avoue que le film Master and Commander de Peter Weir tourne en boucle dans l’Energy Observer.
“Au début, j’ai présenté le projet et on m’a ri au nez”, se souvient le Breton. Puis le projet a séduit des financiers et institutionnels, jusqu’à devenir un ambassadeur français des 17 Objectifs de développement durable et prendre le large en 2017. Sur ce catamaran d’un nouveau genre, un navire de légende barré par Sir Peter Blake (qui a remporté le Trophée Jules Verne en 1994), recyclé en navire du futur et privé de mât pour hisser la grand-voile et de moteur thermique, deux équipes se relaient et traversent les océans pour tester les dernières technologies des industriels, dont les 202 m2 de panneaux photovoltaïques (courbés, bifaces ou anti-dérapants), un générateur d’hydrogène qui transforme l’eau de mer en énergie propre, des ailes de propulsion vélique – ou éolienne -, des moteurs hydrauliques et réversibles, ainsi qu’un pilotage automatique. “Il représente les réseaux énergétiques de demain” qui sont testés et améliorés.
L’équipage n’est pas à l’abri de quelques déconvenues et pannes, les aléas d’un laboratoire mobile. “Au début, nous nous sommes retrouvés en panne d’énergie à Cherbourg, on a dû se faire remorquer en juin 2017. Des défauts qu’on a gérés et corrigés”, commente le capitaine.
S’inspirer des innovations californiennes
L’escale californienne (Long Beach jusqu’au 28 avril, puis San Francisco pendant 5 jours) n’est pas anodine. Les États-Unis sont le premier pays à avoir intégré l’hydrogène et la technologie des piles à combustible dans leur politique énergétique. Et le Golden State est un pionnier dans la production d’hydrogène. C’est pourquoi l’équipage va en profiter pour rencontrer des industriels qui innovent dans le secteur, tels que le California Fuel Cell Partnership. Et pourquoi pas tester leurs dernières technologies sur Energy Observer.
En parallèle de la promotion des énergies renouvelables, Victorien Erussard a créé une société de production visuelle qui a co-réalisé treize films avec Canal+, mais aussi un bureau d’étude sur l’énergie, ainsi qu’une fondation. Une levée de fonds de 22 millions d’euros qui va permettre d’internationaliser l’équipe franco-suisse.
Enorgueilli par toutes ces innovations, l’Energy Observer aspire à procréer : “des bateaux de plaisance verts d’abord, puis des plus gros navires” qui ne disposerait pas d’électrolyseur à bord et pourrait faire le plein d’énergies dans les ports. D’ores et déjà, un yatch, destiné à transporter des touristes entre Marseille et les calanques, est en phase de développement. L’industrialisation d’un transport maritime vert est en ligne de mire.