Le bilinguisme modifie la façon dont fonctionne le cerveau. Tel est le constat dressé par Ellen Bialystok, enseignante-chercheuse en psychologie à la York University, à Toronto, qui a publié sept ouvrages et une centaine d’articles scientifiques sur ce sujet. Elle participait samedi à la conférence « Living with two languages », organisée samedi 13 avril au Lycée Français de New York.
French Morning : En quoi le cerveau des personnes bilingues est-il spécial ?
Ellen Bialystok : Les bilingues doivent en permanence arbitrer entre deux langues. Quand un bilingue franco-anglais voit un chien, selon son interlocuteur, il dira « chien » ou « dog », mais les deux systèmes sont toujours actifs – l’un des deux sera inhibé. Nos recherches ont montré que cet usage constant d’un double circuit renforce le système de « contrôle exécutif » du cerveau. Plus sollicitée, cette partie devient plus efficace. C’est ce qui explique que les bilingues réussissent mieux certaines taches que les monolingues : résoudre des conflits, faire plusieurs choses à la fois, passer d’un ordre à un autre rapidement, inhiber une action.
Cela signifie-t-il que les bilingues sont plus intelligents ?
Non ! De même, ils n’ont pas plus de mémoire. Ils sont juste meilleurs pour certaines taches, car leur cerveau fonctionne mieux que celui des monolingues.
Les bénéfices sur le cerveau sont-ils encore plus forts chez les trilingues ?
Oui. Mais il faut prendre ces études avec précaution. De nombreuses personnes sont devenues trilingues parce qu’elles avaient des facilités avec les langues – ce qui crée un biais. Les bilingues que nous avons étudiés le sont non pas parce qu’ils disposent de certaines aptitudes, mais à cause des circonstances de la vie.
Les personnes bilingues sont-elles plus créatives ?
Quelques études l’affirment. La première a été réalisée au Québec en 1962. Elle a montré que les bilingues ont un avantage sur les monolingues en termes de créativité, d’ouverture, de flexibilité de l’esprit.
Vous avez aussi démontré que le bilinguisme protège contre la maladie d’Alzheimer…
Oui. Pour un même stade d’avancement de la maladie, les bilingues réussissent à mieux combattre les symptômes que les monolingues. En moyenne, ils dont état des symptômes de la maladie cinq ans plus tard que les monolingues. Leur meilleure utilisation de leur système de contrôle exécutif cérébral leur permet de résister davantage.
Jusqu’à quel âge peut on apprendre une langue pour pouvoir bénéficier de ces effets ?
Le plus tôt est le mieux ! Nos études se sont concentrées sur les vrais bilingues, qui ont été confrontés à deux langues depuis leur jeune enfance.
Existe-t-il des inconvénients à être bilingue ?
Les bilingues mettent plus de temps pour choisir leurs mots, ils ont aussi moins de vocabulaire. Lorsqu’on demande à un bilingue de nommer, par exemple, tous les fruits qui lui viennent à l’esprit, il va mettre plus de temps et générer moins de mots qu’un monolingue. On constate aussi que sur les tests standardisés de vocabulaire, les enfants bilingues obtiennent de moins bons scores.
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“Les bilingues le sont à cause des circonstances de la vie”. Pour la majorité, c’est peut-être le cas, mais ce n’est pas une fatalité. En tant que père, j’ai décidé que mes enfants seraient bilingues précoces et j’ai introduit une langue dans notre foyer et dans leur vie. Les circonstances n’ont que peu à voir dans ce cas. Et cela fonctionne. Plus d’info sur http://blog-bilinguisme.fr