« Je ne lâcherai pas l’Ukraine, c’est un combat juste qui vaut la peine d’être mené. » Le 22 février 2022, Dominique Piotet quittait Kyiv, poussé par sa famille et l’ambassade américaine qui enjoignait ses ressortissants à quitter le pays au plus vite. Pendant plus de trois ans, le Français a dirigé Unit.City, le premier parc technologique ukrainien. Aujourd’hui, il est toujours membre de son conseil d’administration, mais a dû renoncer à son poste de PDG à cause de la guerre, qui l’empêche pour le moment d’être sur le terrain en permanence. Un départ qui avait d’ailleurs relaté dans un épisode de notre podcast French Boss.
Revenu en Californie, où il a passé près de vingt ans à travailler dans la tech, Dominique Piotet est sur tous les fronts pour aider l’Ukraine à se reconstruire. En juin 2022, il lance une fondation, Team4Humanity, dont la branche Team4UA agit dans les zones dévastées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. « Notre action se décline en deux volets : tout d’abord, nous faisons de l’humanitaire “classique”, en distribuant des kits de nourritures sur les lignes de front. Avec plus de 13 000 tonnes de nourriture distribuée à environ 600 000 bénéficiaires, nous sommes l’organisation qui fournit le plus d’aide alimentaire aux Ukrainiens. », explique Dominique Piotet. « Et comme le co-fondateur de Team4Humanity vient comme moi de la tech, on utilise différentes techniques pour aider à reconstruire l’Ukraine, comme l’impression en 3D et la reconnaissance d’images couplée à l’intelligence artificielle pour aider au déminage. »
Les projets de reconstruction que permettent la technologie 3D sont stupéfiants : un des premiers projets de la fondation est de construire une école dans la ville de Lviv, où plus de 75 000 enfants ont été déplacés. « Un des meilleurs cabinets d’architectes d’Ukraine, Balbeck, a dessiné l’école, et la société d’impression de bâtiments Cobod va l’imprimer en deux semaines. Nous allons aussi faire des maisons et des ponts. On ne peut pas attendre la fin de la guerre pour reconstruire l’Ukraine. »
En parallèle, depuis novembre dernier, Dominique Piotet entreprend de développer l’entreprise d’informatique Beetroot aux États-Unis. Fondée en 2012 par deux Suédois en Ukraine, elle emploie plus de 500 développeurs informatiques dans le pays, ainsi qu’en Bulgarie et en Pologne. Le but de Beetroot est de permettre à des entreprises de la Silicon Valley d’employer des développeurs ukrainiens.
Est ce qu’on prend un risque à travailler avec l’Ukraine ? « Le secteur de la tech est très résilient dans ce pays : en 2022, il a même enregistré une croissance de 14% et les levées de fonds continuent. Le plus gros risque serait une coupure de courant, mais tout le monde est équipé de générateurs. Les développeurs ukrainiens sont excellents, même la Russie n’arrive pas à hacker l’Ukraine, et ils sont disponibles pour travailler, à des tarifs qui restent compétitifs pour la Silicon Valley. On peut donc monter rapidement des grosses équipes, et de qualité. »
Le mardi 24 janvier, Dominique Piotet modérera à Palo Alto une table ronde avec le Consul général d’Ukraine, et des patrons de la tech pour répondre à la question « Should Ukraine still be on your radar for tech talent in 2023? » Dominique Piotet s’est fixé comme objectif cette année d’aider les entreprises de la Silicon Valley à recruter une cinquantaine d’Ukrainiens par le biais de Beetroot.
Dernier volet de son action, la création d’un fonds d’investissement européen pour soutenir les start-ups ukrainiennes vient d’être annoncée : « Suite à la Conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue à Paris en décembre dernier, j’ai créé le Phoenix Fund. Doté de 50 millions d’euros, son objectif est d’aider la tech ukrainienne à se développer, en particulier dans les “early stages” des start-up », explique Dominique Piotet, qui a lancé la French Tech en Ukraine.
Il croit fermement à la reconstruction du pays grâce notamment à des initiatives de développement sur place et à l’emploi : « Si on veut aider l’Ukraine, il faut aider les Ukrainiens à travailler, à nourrir leurs familles et à faire marcher leur économie. L’Ukraine a changé ma vie, et l’injustice de cette guerre décuple mon envie de m’engager et de me battre pour relancer ce pays. »