« Je suis arrivé à Détroit en 1999, pour ouvrir une antenne pour l’équipementier automobile de l’Ain MGI Courtier. Au début, les affaires ont bien marché et puis très vite le chiffre d’affaires a dégringolé et l’entreprise s’est délocalisée au Mexique. J’ai décidé de rester à Détroit et de monter ma propre affaire », explique Nicolas Skrzypczak. Ce Français d’une quarantaine d’années, père de quatre enfants, continue de croire au rêve américain. En 2005, il crée son cabinet de conseil ‘’Transatlantic Pass Consulting’’, où il représente les sous-traitants et les équipementiers auprès des trois grands constructeurs automobiles. Des clients principalement français au début, puis rapidement asiatiques, mexicains, japonais ou encore européens. Le jeune entrepreneur accompagne les nouveaux entrants sur le marché américain et tente de mettre les propositions de ses clients en relation avec la demande des constructeurs.
«La croissance est soutenue et mes clients représentent aujourd’hui 750 millions de dollars », précise le chef d’entreprise dont l’objectif de croissance de 12% devrait être atteint d’ici à la fin 2009. Comme Nicolas Skrzypczak, ils sont plusieurs dizaines de Français à avoir travaillé plusieurs années pour l’un des constructeurs et décidé de créer leur entreprise. Comme lui, le succès pour ces nouveaux chefs d’entreprises des années 2000 est au rendez-vous. « Il y a des PME créées par des Français qui se portent bien, notamment Metrologic USA, Prosys, le Monégasque Mecaplast, la fonderie Le Bélier ou encore Pontaze », cite Nicolas Skrzypczak.
Le blues des Français
« Les Français ont le vent en poupe », répond Nicolas Skrzypczak au magazine de l’économie et de l’industrie ‘’Usine Nouvelle’’, qui titrait en décembre dernier : « Le Blues des Français de Detroit ». « L’activité économique pour nous Français de Detroit est prospère. Il y un besoin Français de toujours dénigrer, stigmatiser les situations, de les rendre catastrophiques et larmoyantes. Non, nous n’avons pas le blues et nos affaires se portent bien », commente Pascal, ingénieur chez General Motors et qui a rejoint l’une des équipes en charge des voitures de demain. « Je ne dis pas que tout est rose. Bien sûr qu’il y a des Français de Detroit qui ont perdu leur travail, mais à GM ce n’est pas la majorité. Les Français sont recherchés pour leur savoir-faire et leur expertise », ajoute ce père de famille, marié à une américaine.
Evalués entre 15 000 et 20 000 au début des années 2000, les Français de Detroit qui travaillent dans la filière automobile sont aujourd’hui entre 7 000 et 10 000.
« Nous sommes environ 70% à être employés dans l’industrie automobile, à des postes stratégiques. Cette catégorie est peu menacée par les suppressions d’emplois », explique Pascal. « Il y a trois grosses sociétés françaises installées à Detroit : Valeo, Faurecia, Plastic Omnium qui emploient environ 15% de Français chargés d’encadrer la main d’œuvre locale. Ce sont des expats, qui sont en poste en Amérique du Nord, en Asie, ou encore en Europe. Ils tournent tous les quatre-cinq ans. Récemment, on a entendu dire que Valeo et Faurecia taillaient dans leurs effectifs. C’est toujours triste, mais ingénieur Bac+5, entre 35 et 45 ans, je ne me fais pas beaucoup de souci », ajoute Pascal qui précise que les autres 15%, ce sont des entrepreneurs Français, installés à Detroit et qui ne sont pas « réellement affectés par la crise ».
« Autour de Detroit, il y a environ 100 implantations Françaises », explique Molly Swart, une Américaine francophone en charge du Département économique de l’Ambassade de France, à Detroit et qui travaille avec les nouveaux arrivants ou les Français qui cherchent à créer leur PME. « Les Français sont une communauté bien développée et réactive. Ils connaissent la région, s’adaptent facilement aux nouveaux besoins des constructeurs. Nous venons d’accueillir une quarantaine de Français VIE (Volontaire internationale en entreprise). Ils travaillent pendant 18 mois dans une entreprise et transforment ensuite cette expérience en quelque chose de solide. En général, ils ne repartent pas », explique avec beaucoup de satisfaction cette femme qui connaît bien les Français de la région. Loin d’avoir le blues, les Français de Detroit sont majoritairement optimistes. Pour eux, l’automobile survivra à la crise et se relèvera. Ils sont prêts pour le renouveau de Detroit…