French Morning continue sa série pré-electorale “Moi, Français et électeur américain”. Nous partons à la rencontre de bi-nationaux à travers le pays qui nous font découvrir les enjeux de l’élection, et les spécificités du système.
Emmanuel Schnetzler, américain depuis 2008, n’a jamais failli à son devoir civique, mais cette année, il a décidé de s’impliquer tout particulièrement pour soutenir la campagne des Démocrates et leur donner toutes les chances de gagner les élections présidentielles. Il n’ose imaginer quatre années supplémentaires avec Donald Trump à la Maison blanche : “Ce serait dramatique pour le pays, d’un point de vue économique, racial, environnemental…Maintenant, on sait de quoi Trump est capable, et il a le champ libre : on a bien vu que les Républicains n’ont pas le courage de s’opposer à lui.” En 2004, alors qu’il n’avait pas encore la citoyenneté américaine qui lui donne le droit de voter, Emmanuel Schnetzler avait accompagné sa femme américaine en Floride, pour faire du porte-à-porte et convaincre les électeurs de ne pas laisser George W. Bush faire un deuxième mandat. “Rétrospectivement, il n’était pas si horrible que Trump“, souligne-t-il avec malice.
Pour le géologue originaire d’Alsace et installé à San Francisco depuis 1997, Trump doit son élection à 2016 à deux facteurs principaux : l’absentéisme, et le système de vote qui repose sur le collège électoral. Celui-ci est composé de 538 grands électeurs, qui désignent le Président et le Vice-Président des Etats-Unis selon les votes exprimés par les citoyens américains. Par les lois qui gouvernent sa composition -et particulièrement le système du “winner takes all”, qui donne la totalité des voix d’un Etats à celui qui y arrive en tête, quelque soit son avance-, le collège électoral donne un poids plus important aux voix venant d’Etats ruraux, traditionnellement en faveur des Républicains.
“Ce système m’horripile, car le vote de certains n’a pas le même poids que d’autres. C’est comme si je n’avais pas de voix, car je suis en Californie“, constate Emmanuel Schetzler, non sans amertume. “Il faut donc essayer d’influencer les électeurs, grâce à différents moyens : soutenir les Démocrates en donnant de l’argent pour leur campagne électorale, et essayer de faire voter un maximum d’électeurs dans les swing states.” En 2016, il aurait suffi que 100 000 personnes supplémentaires votent pour faire basculer certains swing states et qu’Hillary Clinton l’emporte.
Il y a quelques mois, une amie d’Emmanuel Schnetzler lui propose de passer à l’action, en organisant un envoi massif de cartes postales destinées à encourager les électeurs à voter. L’approche est non partisane, on rappelle aux destinataires qu’ils doivent aller voter, mais sans leur imposer un choix de candidat. “On fait l’effort d’écrire ces cartes à la main, ce qui crée une connection plus forte qu’un simple prospectus. On vise des électeurs potentiellement démocrates, ou qui se sont déclarés comme tels, lorsqu’ils se sont inscrits sur les listes électorales. En Floride, nous avons écrit à des personnes qui avaient été condamnées et avaient purgé des peines légères pour leur rappeler qu’elles n’ont pas perdu leur droit de vote.” Outre la Floride, c’est environ 18 000 cartes postales qui sont parties vers la Géorgie, le Kansas et la Pennsylvanie grâce à l’action d’Emmanuel Schnetzler, et à la trentaine de bénévoles qu’il a su rallier. “Le taux de réussite est incertain, mais l’énergie du groupe qui s’est attelé à l’écriture des cartes postales avec moi était vraiment motivante.”
Après les cartes postales, cet Alsacien d’origine est passé à l’envoi de textos en masse, toujours dans l’espoir d’inciter plus de gens à se rendre aux urnes : “Les personnes qui reçoivent les textos peuvent poser des questions, auxquelles nous tentons de répondre en suivant un scripte. Cette méthode de communication est particulièrement efficace avec les jeunes électeurs potentiels.”
A quelques jours des élections, Emmanuel Schnetzler se veut optimiste, même s’il reconnaît mal dormir. Si Elizabeth Warren était son premier choix côté démocrates, il n’a eu aucune hésitation à soutenir Joe Biden. Son bulletin de vote est d’ailleurs déjà dans les urnes.
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