Les plus grands joueurs sont passés entre ses filets. Adrien Andurand fait partie des 23 cordeurs de l’US Open de tennis qui se tient jusqu’au dimanche 10 septembre à New York. Toute la journée, de 7h du matin à 8h du soir, il remplit les raquettes des joueuses et joueurs avec de la corde – le plus souvent du polyester, parfois du boyau, de meilleure qualité mais plus cher -, avant de régler la tension demandée par l’athlète. Un travail d’orfèvre autant que d’endurance. « Je me régale à faire ça », confie-t-il depuis le stand des cordeurs, situé au premier étage du magasin Wilson, au beau milieu du Billie Jean King National Tennis Center, à Flushing Meadows.
Tombé là-dedans presque par hasard, au gré d’une reconversion et d’un déménagement au Canada qui l’a vu intégrer un magasin partenaire de la Fédération canadienne de tennis, cet ancien coach sportif originaire du Lot a ensuite intégré la prestigieuse équipe du fabriquant Wilson. La marque au W, née à New York il y a plus d’un siècle, a décroché les marchés de plusieurs tournois d’envergure, dont Roland-Garros et l’US Open. « Lors du recrutement, il y avait 40 candidats pour 3 places, se souvient Adrien Andurand. On a dû passer un entretien qui a servi à voir si on a la capacité de travailler en équipe : sur un tournoi, on passe toute la journée ensemble ! On a ensuite été testés en conditions réelles : on a passé toute une journée à corder, poussés dans nos retranchements, pour voir comment on réagit à la pression et si on sait respecter les standards Wilson. »
Il voyage désormais presque toute l’année sur des tournois aux quatre coins du globe. Le reste du temps, il le passe dans une structure privée (Nec Plus Ultra) et au Stade Toulousain Tennis où… il corde, évidemment. Passionné de la petite balle jaune, il voit passer entre ses mains les raquettes des plus grands. « Au début, je regardais tous les noms, pour savoir de quel joueur j’étais en train de corder la raquette, confie-t-il. Désormais, la glace est brisée en quelque sorte et je l’ai fait tellement de fois qu’il s’agit juste d’une raquette qu’il faut je corde, rien de plus. »
De toute façon, il est astreint à un devoir de confidentialité et ne pourrait pas s’épancher sur les habitudes des uns et des autres. Tout juste consent-il à évoquer le cas de cette joueuse, bien connue de tous les cordeurs, qui demande toujours… la tension maximum : 90 pounds (soit environ 40 kg) ! « En moyenne, la tension demandée est de 22 ou de 23 kg, éclaire-t-il. La tension permet de jouer sur la longueur de balle : plus on tend, plus on contrôle la balle mais on perd en longueur; moins on tend, moins on a de contrôle mais la balle va plus loin, créant une sorte d’effet trampoline. À 40 kg, la raquette devient une planche ! ».
La tension demandée varie aussi selon la météo. « À New York, où il fait souvent chaud et humide, les athlètes demandent souvent moins de tension, car la balle est plus lourde ». Le soir, le marathon terminé, Adrien Andurand peut enfin aller boire un verre avec ses collègues de travail. « Ce qui est difficile dans ce métier, c’est l’éloignement constant, confie-t-il. Je suis arrivé aux États-Unis début août pour les tournois de Cincinnati et Cleveland. À New York, je suis content de retrouver des collègues que j’apprécie. Je suis moins ébloui par la ville parce que j’y suis souvent venu. Mais quand le taxi nous ramène à l’hôtel et qu’on voit la skyline, c’est toujours un effet incroyable. »