C’est une autre bataille, qui se mène loin du front et des salles de réanimation mais au moins aussi importante pour la victoire finale. Partout dans le monde, des centaines de chercheurs s’activent pour tenter de trouver un traitement pour les infections du Covid-19.
Une bataille qu’a rejoint cette semaine le Français Daniel Teper, qui dirige à New York la startup de biotechnologie Cytovia Therapeutics. Lancée en juin dernier, la compagnie s’est d’abord concentrée sur la lutte contre le cancer, en se focalisant sur un type de globule blancs, connues sous le nom de cellules tueuses naturelles, ou “Natural Killer” (NK). “C’est l’immunité innée, par opposition à l’immunité acquise” explique Daniel Teper. “Ces derniers mois, on a commencé à se dire que ces recherches pouvaient aussi être appliquées au SARS–CoV–2 (le nom du virus, Covid-19 étant le nom de la maladie, NDLR), car ces cellules NK jouent un rôle important dans la destruction des cellules infectées”.
“Nous espérons pouvoir commencer des tests cliniques à la fin de cette année, si nous pouvons obtenir l’autorisation de la FDA. Les essais cliniques prendraient ensuite 6 mois à un an, pour un traitement qui pourrait être disponible courant 2021”, détaille Daniel Teper. Un horizon comparable à ceux des groupes pharmaceutiques tels que AstraZeneca, GSK ou Regeneron, également lancés dans la course. D’ici là, nombre d’autres traitements auront été testés et probablement approuvés, notamment l’usage de médicaments existants, actuellement testés sous l’égide de l’OMS (la fameuse hydroxychloroquine, le remdesivir, le ritonavir, etc…).
Mais Cytovia appartient à une autre catégorie de recherche -et d’espoir-, celle de technologies radicalement innovantes, le plus souvent d’immunothérapie, développées par plusieurs startups et compagnies pharmaceutiques. Une piste que beaucoup de spécialistes jugent plus prometteuses que celle des médicaments existants. Ancien patron de la FDA, Scott Gottlieb écrit notamment cette semaine dans le Wall Street Journal que “l’approche des anticorps est plus prometteuse” que les antiviraux existants et nécessite que la FDA change ses règles pour accélérer les processus de mise sur le marché. “C’est seulement si un traitement efficace est disponible que l’on pourra redonner confiance aux gens, et relancer l’économie (…) Sinon il faudra attendre un vaccin qui pourrait prendre 18 mois à deux ans.”
La technologie développée par les chercheurs de Cytovia est, elle, dite “bi-functionnelle”: elle est à la fois antivirale et immunitaire. “Un bras agit contre le virus et l’autre sur le système immunitaire” résume Daniel Teper. Comme beaucoup des équipes de chercheurs mobilisées contre le Covid-19, celle de Cytovia mise sur des avancées technologiques et scientifiques très récentes. “Tout cela est très nouveau”, souligne le PDG, mais, prédit-il, “2020 sera l’année de l’émergence thérapeutique des cellules tueuses naturelles génétiquement modifiées”. Dans ce domaine, Cytovia bénéficie de partenariats récents avec la New York Stem Cell Fundation et le laboratoire d’une autre franco-américain, Justin Eyquem, à l’UCSF (University of California San Francisco).
La nouveauté est largement autant technologique que biologique, d’où l’association de Cytovia avec une autre start-up, Macromoltek, une société d’intelligence artificielle sortie de l’incubateur Y Combinator. “Ils sont à la pointe de la convergence entre l’informatique et la biotechnologie, explique Daniel Teper. Grâce au machine learning, ils peuvent concevoir des anticorps de manière extrêmement accélérée”. Dans cette course contre la montre, c’est un atout majeur, non seulement dans la “guerre” actuelle contre le SARS-CoV-2, mais aussi pour changer la donne à plus long terme dans la lutte contre les maladies infectieuses. “Grâce à ces technologies, on peut imaginer de créer en quelques semaines des traitements contre de nouveaux types de virus”.
Car l’horizon des startups de biotech comme Cytovia est en général beaucoup plus lointain que celui de la crise actuelle du Covid-19. Mais en matière de biotech comme ailleurs, l’admonition churchilienne de ne “jamais laisser perdre une bonne crise” s’impose. Ces deux dernières semaines, en pleine déroute des marchés financiers, les fonds de venture capital spécialisés dans la biotech ont levé des sommes considérables (plus de 5 milliards de dollars à ce jour). Cet intérêt renouvelé des investisseurs pour le secteur est une bonne nouvelle pour Cytovia qui entend boucler une levée de fonds (series A) dans les tous prochains mois.