Une petite dame trottine jusqu’à la porte close, jette un oeil à la vitrine vide, et repart l’air résigné. Les derniers croissants et galettes à la pomme de la journée ont fait le bonheur d’une cliente toute heureuse de goûter les viennoiseries de cette enseigne installée dans le Richmond District, à San Francisco.
Depuis son ouverture en mars, Arsicault Bakery ne désemplit pas, à la grande satisfaction de son propriétaire, Armando Lacayo, un Français installé depuis vingt-cinq ans aux Etats-Unis. Ce jour-là, il multiplie les allers-retours entre le comptoir et le fournil, pour surveiller une nouvelle fournée de croissants. Il accueille les habitués, renseigne les curieux, court vérifier la cuisson.
Fort de son succès, le boulanger a considérablement augmenté sa production: des 80 viennoiseries des premiers jours, il est rapidement passé à 300, voire 400 le week-end. Et cela ne suffit pas: toute la production est vendue bien avant la fermeture.
Armando cherche donc à embaucher plus de mains pour l’aider au fournil, d’autant qu’il a prévu de diversifier ses produits. “J’ai appris a faire du pain au San Francisco Baking Institute, et je compte bientôt proposer baguettes, pains de campagne et aux noix”, dit-il. Des pâtisseries viendront compléter cette variété de gourmandises: éclairs, mille-feuilles, opéras, tartes au citron…On en salive déjà!
Sur le mur, au-dessus des quelques tables où l’on peut déguster sa viennoiserie et un café, trône une grande photo en noir et blanc, datant de 1907 : elle représente la boulangerie Arsicault, tenue par les arrières-grands-parents puis grands-parents maternels d’Armando, à Corbeil-Essonnes, et qui a fermé à la fin des années 1930.
Un chariot d’époque, autrefois destiné aux livraisons, arbore fièrement le nom de la boulangerie familiale. “J’ai été élevé avec mes grands-parents, et j’ai toujours entendu ma famille commenter la qualité des croissants et du pain”, explique Armando Lacayo. “Il y a vingt ans, j’ai décidé de faire mon propre croissant. Je vivais alors à New York, dans un petit appartement sans climatisation, où il faisait trop chaud… Cette première tentative n’a pas été une réussite !”
Pendant vingt ans, Armando Lacayo travaille comme “portfolio manager” pour une société d’investissement, mais sa passion du croissant ne le lâche pas. “Pour mes collègues de bureau, je fabriquais des croissants qui me valaient toujours des compliments.” Après des années passées à perfectionner sa recette de croissant, Armando Lacayo ne peut résister à l’envie de la partager avec un plus large public, et se décide à ouvrir Arsicault Bakery. “A San Francisco, on aime la bonne nourriture, et je pense proposer de très bons produits, qui satisfont cette exigence de qualité.”
Quand il évoque le croissant idéal, Armando Lacayo se fait presque poète: “Un bon croissant fait appel aux cinq sens. D’abord, on le regarde: il faut qu’il ait une belle forme régulière, que le feuilletage soit bien défini. Ensuite, on le sent: une bonne odeur de beurre et de “bien cuit” grâce à la caramélisation de la farine. Au toucher, le croissant doit avoir une certaine souplesse; pressez-le pour entendre le craquement délicat de la pâte feuilletée. Il ne reste plus qu’à le goûter, tout chaud sorti du four”.
Pour atteindre cette perfection, Armando Lacayo choisit avec soin ses matières premières: de la farine Giusto’s produite à South San Francisco, du lait entier, de la levure, et surtout un beurre dont le taux de matière grasse (83%) est similaire à celui du beurre couramment utilisé en France.
Et pour les pains au chocolat et les cookies, Armando Lacayo utilise du chocolat Valrhona, qui ne se solidifie qu’une heure et demie après la sortie du four, assurant une texture délicieuse, qui fond dans la bouche.