Géraldine Le Meur a lancé en mai dernier à San Francisco, The Refiners, avec Pierre Gobil et Carlos Diaz. C’est un accélérateur de start-ups européennes, et particulièrement françaises, ouvert à l’innovation, à l’originalité, aux bonnes idées.
Grâce à une levée de fonds de 7 millions de dollars, les trois fondateurs peuvent accompagner des entrepreneurs dans l’aventure du marché américain. Vingt-cinq start-ups sont déjà passées dans leurs locaux de la Silicon Valley, au cours de programmes de coaching de trois mois.
Avant ça, pendant dix ans, Géraldine Le Meur a développé avec son ex-mari, LeWeb, des conférences consacrées à l’entrepreneuriat et aux nouvelles technologies qui ont connu un grand succès et ont fait venir les pointures de la Silicon Valley à Paris. Maman de trois grands garçons et entrepreneuse depuis ses 25 ans, Géraldine Le Meur nous parle des femmes dans le milieu très masculin qui est le sien: la tech.
1/ Donner confiance aux femmes
Contrairement à ce que l’on pense parfois, les femmes ne sont pas absentes de la tech. En fait, une start-up sur quatre dans le monde est créée par une femme. Mais elles sont moins visibles que les hommes. “Pour s’imposer, pour réussir, il faut oser, ce que beaucoup de femmes ne savent pas faire“, selon Géraldine Le Meur. Les femmes se poseraient beaucoup plus de questions selon la cheffe d’entreprise: “s’il faut remplir dix cases pour postuler à un job, les hommes vont en cocher trois mais vont tenter leur chance. Les femmes le feront seulement si elles cochent 9,5 cases, explique la co-fondatrice de The Refiners. Elles sont perfectionnistes et rigoureuses, mais parfois il faut sauter du plongeoir sans réfléchir“.
2/ La parité dans l’entreprise: bonne ou mauvaise idée?
“Quand j’ai entendu ce concept appliqué à l’entreprise, j’ai d’abord poussé des cris. Et finalement je crois que c’est une bonne idée pour des entreprises aux structures un peu vieilles. Mais je crois que les femmes doivent malgré tout être recrutées pour leurs compétences avant tout”, explique Géraldine Le Meur. Si dans les entreprises la mixité progresse, les femmes restent sous-représentées dans certains domaines comme les technologies. Elles sont moins présentes que les hommes dans les écoles d’ingénieur alors qu’elles sont aussi nombreuses à passer un bac scientifique. “Il faut que les écoles fassent leur travail pour les attirer, selon Géraldine Le Meur, chantre de la mixité. J’y crois à fond”, explique celle qui a toujours travaillé avec des associés hommes ou dans des équipes mixtes. “On a une approche différente des choses. Cela apporte de la richesse, de la complémentarité. Ça booste la créativité et l’organisation“.
3/ Le besoin de “role model”
Bill Gates, Mark Zuckerberg, Elon Musk, pas besoin d’être geek pour citer rapidement des grands noms de la tech. Pourtant, il faut l’admettre, on a du mal à donner spontanément des noms de femmes. “Il y a des femmes mais on ne les voit pas“, reconnait Géraldine Le Meur. “Elles sont plus discrètes et se mettent moins en avant“. Et quand elles sont présentes, on les traite différemment des hommes: “Quand Marissa Mayer (patronne de Yahoo) apparaît en robe Oscar de la Renta, on ne parle que de ça, regrette Géraldine Le Meur, alors qu’on ne détaillerait pas le costume de son équivalent homme“. Pourtant, les lycéennes et les étudiantes d’aujourd’hui ont besoin de se retrouver dans des parcours inspirants. Elles ont besoin de se projeter, de voir que c’est possible d’y arriver en étant une femme, en ayant des enfants. Des “role models” comme Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook et milliardaire, très investie dans la cause féminine, qui a publié en 2013 En avant toutes, pour encourager les femmes à avoir de l’ambition. “Les “role models” sont là pour casser le plafond de verre“.
4/ Choisir l’entrepreneuriat pour l’équilibre travail-famille
Géraldine Le Meur se souvient très bien de ses 24 ans. Elle travaillait alors, fraîchement diplômée, dans une grosse agence de publicité. “J’avais un bébé et j’allais le chercher à la crèche, n’ayant pas les moyens de faire autrement, se souvient elle. Et un jour on m’a dit: ah, tu prends ta demi-journée!“. La réflexion de trop pour la jeune femme qui décide de se lancer et de créer sa propre boite.
En 1997, maman d’un garçon de deux ans, elle est enceinte quand elle monte sa deuxième société. “C’était dur à gérer et ça générait beaucoup de stress mais j’ai tenu“. Son secret: cloisonner le plus possible. “A 18h, je n’étais plus au bureau, je ne répondais plus au téléphone, j’étais avec mes enfants. Et je continuais à travailler après si besoin“, explique la mère de famille, droite dans ses bottes. “Je n’ai aucun regret, explique-t-elle. J’ai eu le temps d’élever mes enfants et j’ai une carrière professionnelle épanouie“.
5/ Vers un nouvel équilibre vie privée/vie publique?
Préférer un CV masculin à un CV féminin parce qu’il y aura un jour peut-être une grossesse, licencier une femme parce qu’elle est enceinte, empêcher une salariée d’évoluer parce qu’elle a des responsabilités familiales… Oui, ça existe toujours en 2017. Mais les choses changent, à en croire Géraldine Le Meur, incorrigible optimiste, pour qui la Silicon Valley est un précurseur des évolutions sociales. “Je pense que l’avenir, c’est un management à la Facebook ou Airbnb, où les chefs comprennent que l’épanouissement au travail et l’épanouissement à la maison sont liés“.
Mark Zuckerberg prend un congé paternité, et ses employés hommes se sentent moins coupables de faire pareil. “Ces sociétés comprennent que l’humain est au centre de tout et je pense que les choses sont en train de changer“. “Il existe toujours des boites archaïques mais elles vont disparaître parce que les millennials, les générations suivantes, n’accepteront pas leurs règles”, selon Géraldine Le Meur, dont les trois garçons arriveront bientôt sur le marché du travail. “Il faut convaincre les hommes qu’ils peuvent aller chercher leurs enfants pour un rendez-vous chez le médecin, explique-t-elle. Les boites qui ne comprennent pas ça n’ont pas d’avenir. Elles finiront par exploser“.