C’est le rêve de tout détaillant qui s’expatrie aux Etats-Unis : ouvrir une première boutique, prospérer et chercher à se développer. Installé à New York depuis huit ans, Stéphane Crémieux fait partie de ces « happy few ».
À la tête de l’activité américaine de la marque de prêt-à-porter masculin Daniel Crémieux fondée par son père à Saint-Tropez, l’entrepreneur a ouvert une boutique à Palm Beach en Floride en novembre 2017, puis une autre à Southampton en mai dernier. Satisfait des résultats, il envisage d’ouvrir « une dizaine de magasins dans une période de 24 ou 36 mois », confie-t-il, dont une adresse à New York en mars. Mais développer son commerce n’est pas sans challenges. Stéphane Crémieux livre ses conseils pour s’étendre sans perdre pied.
1 / Préparer le terrain
Première étape : faire connaître sa première boutique. Avant d’ouvrir une adresse en 2014 sur Mercer Street à New York, qui a depuis fermé ses portes, la marque Daniel Crémieux a été présente pendant vingt ans sur le marché américain dans des grands magasins, explique le fils du fondateur.
« Le fait d’être dans un centre commercial très haut de gamme à Palm Beach nous a énormément aidés, reconnaît-il. On est assez content quand on est voisin d’Hermès, de Saint Laurent ou de restaurants haut-de-gamme. Ça permet de faire circuler le nom et l’image de la marque auprès d’une clientèle plutôt aisée. Après, on se fait connaître par le bouche-à-oreille et quand on arrive à un certain volume de ventes, on acquiert de la crédibilité. »
2 / Bien choisir son emplacement
Une fois la marque suffisamment arrimée, encore faut-il savoir où accrocher sa deuxième enseigne. Stéphane Crémieux y est allé au “feeling”. « Si j’avais écouté toutes les personnes qui m’ont donné leur avis, je n’aurais jamais rien ouvert, nulle part », tranche-t-il, avant de reconnaître que l’ouverture d’une nouvelle boutique représente toujours « une prise de risque ».
« À Palm Beach, on visait une clientèle plutôt “resort” comme à Saint-Tropez », explique Stéphane Crémieux. Quant à Southampton, « on est extrêmement bien placés », se félicite le patron, qui considère cette adresse comme « une évidence ». Il précise : « On est à côté de concurrents, Ralph Lauren, Vilebrequin, Vineyard Vines. On n’est qu’à 1h30 de New York. On regarde aussi où les bons restaurants ouvrent. »
Pour le gérant qui vise une clientèle aisée, les deux magasins se complètent. « Nos clients ont souvent des maisons secondaires et lorsqu’ils ferment leur propriété à Palm Beach en avril-mai, ils ouvrent celle des Hamptons », constate-t-il, avant de citer les internats d’écoles privées de Southampton, en accord avec le style « preppy » de la marque.
3 / S’adapter au marché américain
Pour Stéphane Crémieux, il est crucial de comprendre la culture du commerce américaine. « Gérer le marché américain depuis la France, c’est une très grosse erreur », prévient le fils du fondateur, qui se rend « toujours sur place » pour étudier un emplacement potentiel. « Les New-Yorkais ne sont pas des Parisiens. Même à SoHo, ce ne sont pas les bobos du Marais ».
« Il faut être moins prétentieux et écouter les conseils des Américains », prêche-t-il encore, avant de citer les services clients, beaucoup plus réactifs aux Etats-Unis. « Parfois il faut même adapter son produit », ajoute le directeur, qui s’accorde une « flexibilité sur 20 % » de sa marchandise pour ajuster chaque boutique au marché local. « Par exemple notre clientèle de Southampton est un peu plus jeune. On y propose davantage de pulls en cachemire, faits main en Italie. On a aussi des pantoufles qu’on fait broder pour Palm Beach ou pour New York et des séries de chemises spéciales ».
4 / Rester français
Le numéro un des boutiques Daniel Crémieux aux Etats-Unis mise toutefois sur les origines européennes de la marque créée en 1976. Des chaises rouges du célèbre bistro tropézien Sénéquier à une série de photos de Saint-Tropez des années 1970, en passant par les étiquettes indiquant le fournisseur européen sur chaque pièce : « on ne veut pas donner ce côté trop franco-franchouillard et mettre des Tour Eiffel partout mais on veut quand même expliquer d’où on vient d’une manière assez élégante avec des petits clins d’œil », avance le responsable, dont les équipes sont franco-américaines.
« On a essayé de faire tout-Français ou tout-Américain, l’un et l’autre ne marchent pas », constate-t-il. « Quand on arrive à mélanger 50-50, il y a l’énergie des Américains, qui sont très doués pour l’organisation, le timing, le calendrier, tout ce qui est administratif, et l’anticipation des Français, le côté un peu plus commercial, plus tchatcheur avec les clients ».