Ouvrir sa galerie aux Etats-Unis fait rêver plus d’un professionnel de l’art. Ces dernières années, Los Angeles, qui a vu le nombre d’influentes institutions exploser (Marciano Foundation, The Broad, Hauser&Wirth, Over the influence…), attire particulièrement les marchands français. On compte autant de nouvelles galeries françaises à Los Angeles que de boulangeries! Pour comprendre ce qui permet de réussir, French Morning a recueilli les conseils de Français qui se sont lancés.
1/ Comprendre le marché américain
“Il est primordial d’observer le rapport que les Américains ont à la culture sans le dénigrer”, explique Alexandre Latscha, directeur de la galerie PDP installée à Arts District. Pour lui, leur manière de “consommer” la culture est très différente de celle des Français. Ainsi, il lui a été recommandé de mettre en place un “photo call” ou un mur à selfies, ainsi que des événements, pour capter l’attention des visiteurs. “Il y a un besoin évident d’interactions”, assure le galeriste. Il conseille également de venir en amont voir ce qu’il se passe sur place, de discuter avec des professionnels locaux.
Selon le style d’oeuvres exposées, il faut également être prêt à “éduquer” le public. C’est ce que fait Agnès Penot, la responsable de la galerie 19C à Beverly Hills. “Il faut leur inculquer l’histoire de l’art, les Angelinos ne connaissent pas forcément Théodore Rousseau ou Georges Seurat.”
2/ Tester le marché
Avant de se lancer dans le grand bain, mieux vaut tester la clientèle. A la différence de New York ou Miami, Los Angeles débute avec les foires de renommée internationale (Frieze L.A. depuis l’an dernier). Ces événements permettent, en plus d’attirer les collectionneurs du monde entier, de cibler la clientèle locale. “L.A. est un lieu particulier pour les galeries, ce n’est pas évident de déterminer les collectionneurs potentiels”, détaille Anna Milone, la curatrice de la Flax foundation. Elle propose alors une option : être accueilli en amont par d’autres galeries pour se tester, avoir des espaces partagés. De même, Anna Milone recommande de ne pas avoir qu’une galerie à Los Angeles, mais de se lancer ailleurs auparavant. “Los Angeles n’est plus l’El Dorado d’il y a 5 ou 6 ans, les prix ont beaucoup augmenté.”
3/ Choisir le bon quartier
La galerie 5Art a choisi de s’implanter sur Melrose avenue, quand PDP a élu domicile dans le foisonnant Arts District : les quartiers en vogue ne manquent pas dans la cité des anges. “Le choix du quartier est primordial car les Angelinos se déplacent peu. Il faut alors être proche des collectionneurs visés”, défend Anna Milone. Elle observe un déplacement physique des galeries depuis une dizaine d’années, avec une concentration autour de Chinatown. “Pour des galeries “hypes” avec des artistes trendy, ce serait davantage Mid-City, mais cela bouge tout le temps”, reconnaît-elle. Une importance de la localisation qu’a pris en compte Agnès Penot (19C) : “Nous avons choisi Beverly Hills, car nous faisons du XIXe siècle. C’est là où se trouvent nos clients.”
4/ Commencer en exposant des artistes locaux
“La ville est très protectrice vis-à-vis de ses artistes”, affirme Anna Milone. En effet, ils sont particulièrement valorisés par les collectionneurs. Il serait alors contre-productif pour un galeriste de débarquer dans la cité des anges avec uniquement des artistes français, ou européens. “Il faut mettre en perspective la scène locale, créer un dialogue avec des artistes étrangers”, recommande la directrice des programmes de FLAX.
5/ Avoir une présence sur le Net
Cela paraît évident, mais il ne faut pas négliger internet : avoir un site attractif, un inventaire actualisé des oeuvres à vendre, est primordial. Plus que cela, Agnès Penot recommande d’utiliser des sites comme Artnet -un réseau de galeries internationales- pour se faire connaître et vendre. “Depuis 2016, nous avons vendu pour plusieurs centaines de milliers de dollars via l’intermédiaire d’Artnet. Avant l’ouverture de la galerie, nous avions déjà cédé deux oeuvres à des musées”, cite la responsable de 19C. Qui dit présence sur le web, dit réseaux sociaux. “Il faut investir du temps et de l’argent pour être visible sur Instagram, avoir une personne dédiée qui fasse aussi des vidéos”, argumente Agnès Penot.
Au vu des risques financiers que représente la location d’un emplacement pour une galerie, Agnès Penot questionne aussi l’intérêt d’avoir une présence physique alors que beaucoup de transactions s’effectuent en ligne. “Nous avons une galerie pour l’aspect éducatif”, assure la Française, “le XIXe siècle n’est pas tellement à la mode, il faut donc montrer que c’est beau, et que ça s’adapte à des décors modernes (comme celui de la galerie).”