C’est un logiciel qui permet de gérer, sur une même interface, l’ensemble des ses messages professionnels – e-mails, réseaux sociaux, SMS… Son nom : Front. Son instigatrice : Mathilde Collin, 26 ans, co-fondatrice de la start-up éponyme.
Sa start-up, installée à San Francisco depuis l’année dernière, emploie désormais 16 personnes : une moitié de Francais, et une moitié d’Américains. En pleine croissance, son chiffre d’affaires “a augmenté de 20% par mois en 2015”, affirme Mathilde Collin, qui a créé cette entreprise à Paris en 2013, à sa sortie d’HEC.
Si l’entreprise était jusqu’il y a peu à cheval entre Paris et San Francisco, Mathilde Collin a décidé de rapatrier toute l’équipe aux Etats-Unis début mars 2016.
“Le climat est meilleur ici. A Paris, je trouvais que mon équipe était moins motivée. Ici, à San Francisco, il y a un enthousiasme global sur la tech qui se communique à tout le monde. Et puis, nos clients sont majoritairement ici. Et les ingénieurs ont intérêt à être en contact avec le marché et les clients, afin de comprendre leur feedback.”
1- Comment trouver de bons CV quand on n’a pas de réseau
Le recrutement, Mathilde Collin y passe beaucoup de temps. “Tout le monde te dit que c’est sur cet aspect-là que tu make or break. Au début, j’y croyais pas trop. Mais maintenant, je vois à quel point un employé bon et heureux est juste dix fois plus efficace qu’un employé normal. Un bon recrutement, c’est critique pour une boîte en phase de croissance.”
Comment recruter avec un réseau professionnel limité ? Mathilde Collin a utilisé le site Hired.com – “pour les commerciaux, ça marche bien”. LinkedIn ? “Très bien pour cibler quelqu’un avec un profil précis”. Elle a également utilisé des recruteurs. “Mon expérience, c’est qu’ils sont très bons pour des profils commerciaux, moins pour trouver des ingénieurs.”
Mais la plupart de ses candidats sont venus par des recommandations de ses salariés en interne. “Les bons candidats appellent les bons candidats. Moi j’ai zéro réseau, mais mes employés sont passés par Dropbox ou LinkedIn, ils connaissent du monde, et ils font venir des gens. Car évidemment, les meilleurs ne sont jamais officiellement à la recherche d’emploi, et ne postulent pas dans une boîte où ils ne connaissent personne”, répond Mathilde Collin.
2- Les Français aux US : un avantage compétitif
Recruter des ingénieurs dans la Silicon Valley est un vrai défi. Chers, convoités, ultra-mobiles, prêts à quitter une petite start-up pour une autre avec une offre plus alléchante…
Difficile, dans ce contexte, de créer de la loyauté quand on est, comme Front, une start-up parmi des milliers d’autres. Comme Mathilde Collin a tiré un trait sur l’idée de garder des ingénieurs dans un bureau à Paris, elle a trouvé sa solution : faire venir des ingénieurs français ici.
“Le fait de proposer une offre de job à San Francisco, ça fait rêver beaucoup de Français, et cela nous donne un très gros avantage sur le marché du travail. Et comme j’ai un visa E2, j’ai la possibilité de faire venir des Français assez facilement.”
3- Une relation employeur-candidat plus équilibrée
Si le salaire, les conditions de travail et les différents “benefits” sont abordés en entretien, Mathilde Collin estime que ce ne sont pas les éléments décisifs – beaucoup de petites start-ups proposent le même type d’offres.
“Un truc qui est hyper apprécié chez les candidats, c’est la transparence. Le fait que nous ayons mis en ligne notre roadmap, c’est à dire ce sur quoi on travaille, est quelque chose que la plupart des candidats ont noté, et valorisent beaucoup.”
Autre surprise pour Mathilde Collin : “en France, en général, c’est le patron qui pose les questions et le candidat qui répond. Ici, je pense que c’est 50-50. Je suis autant évaluée que j’évalue la personne en face de moi.”
Une situation qui reflète la situation du marché du travail américain, bien plus dynamique qu’en France. “Ici, la relation entre l’employeur et l’employé est beaucoup plus équilibrée.”
Enfin, attention au baratin. “C’est clair que les Américains savent beaucoup mieux se vendre que les Français. Du coup, je suis tombée sous le charme de certains, et j’ai fait quelques mauvais recrutements. Maintenant, je fais beaucoup plus attention”, se souvient Mathilde Collin.
4- La culture d’entreprise, un thème récurrent
“Quelle est votre culture d’entreprise ?” Voici la question des candidats à laquelle Mathilde Collin doit le plus souvent répondre en entretien.
“Ca n’était pas quelque chose auquel j’avais réfléchi. Maintenant, je sais quoi répondre : je dis que nous sommes biculturels, que nous avons à la fois ce côté américain très enthousiaste – notre ambition c’est bien de monter une billion dollar company – mais tempéré par notre côté francais. Nous avons les pieds sur terre et prenons pas mal de précautions.”
Afficher de bons signaux culturels américains est aussi clé pour rester attractif dans ce marché. “Certes on est Francais, mais on est passé par Y Combinator : je pense que ce tampon rassure énormément les candidats, qui pourraient sinon avoir une certaine appréhension à travailler pour une start-up dirigée par des Français.”
5- Le rôle des références
Se faire recommander pour un job ? La pratique n’est pas très courante en France, et on la suspecte de refléter avant tout des liens de copinage. Rien à voir avec la situation américaine.
“Ici 100% des candidats viennent avec des références. Et elles sont très importantes, et très utiles. Les gens se montrent tout à fait dispo quand je les appelle pour parler de telle ou telle personne. Il y a des gens que je n’ai pas recruté après avoir discuté avec leur personne référente.”
6- Faire une offre : être rapide
Le tempo pour recruter aux Etats-Unis n’a rien à voir avec celui de Paris. L’affaire peut être scellée en quelques jours, quand en France, plusieurs semaines s’écoulent. Alors il faut tirer vite.
“Quand on a un candidat qui nous sollicite pour un entretien, on met un point d’honneur à le recevoir dans les trois jours, et à lui donner une réponse dans un délai d’une semaine. On n’a pas le temps de faire six entretiens. A Paris, c’est beaucoup plus long, mais il y a aussi bien moins de concurrence.”